Mal de dos au travail : comment faire ?

Femme Mal De Dos Au Travail
De plus en plus de salariés souffrent du dos. En cause : les mauvaises postures dues à un mobilier inadapté. Enquête. 

Agnès, un mal de dos qui dure

« J'ai très souvent mal au dos. Surtout au niveau des trapèzes, de la nuque. C'est tout noué, tout dur. Et je finis parfois la journée avec un mal de tête incroyable. J'ai beau faire attention, placer mon écran comme il faut, je me retrouve avec le dos coincé à chaque fois que je travaille sur des documents. Certains soirs, mes yeux sont fatigués, ça pique, comme si j'avais du sable dans les yeux... »

Agnès se doute bien qu'elle est mal assise. Mais, comme 99 % des personnes qui travaillent devant un écran, et en dépit de menus aménagements, elle ne voit pas très bien comment faire mieux.

« Apprendre les bonnes postures, faire des pauses régulières et des exercices de relaxation », répond Laurence Favre, chiropraticienne. Et si on ne dispose pas du mobilier adapté, il faut apprendre à faire avec ce que l'on a. Si vos jambes sont coincées entre deux caissons, déplacez-en un afin de leur laisser plus de libellé. Vous avez besoin d'un repose-pieds ? Utilisez un bottin à la rigueur. Si l'écran est mal placé, n'hésitez pas à le déplacer. Même si la place fait défaut, on peut toujours trouver une solution.

Les informaticiens sont très concernés

« II est difficile, en France, de faire comprendre aux entreprises l'intérêt d'investir dans du bon mobilier ergonomique, poursuit Laurence Favre. Aux États-Unis, par exemple, les chiropraticiens travaillent avec les chefs d'entreprises. Car les problèmes de dos représentent un coût élevé pour l'entreprise et la société. »

En France, les problèmes de dos c'est, chaque année, 3,6 millions de journées de travail perdues. C'est aussi le premier motif d'arrêt de travail chez les moins de 40 ans et le premier motif de consultation chez le kinésithérapeute. Dans l'industrie, les "troubles musculosquelettiques" (TMS) battent des records. Ils représentent 70 % des maladies professionnelles et la moitié de celles ayant entraîné un arrêt de travail.

Dans les bureaux, la réalité de ces troubles est davantage contestée. D'après la Caisse nationale d'Assurance-maladie de Paris, le travail sur écran serait responsable de 3 % à 4 % des TMS. Ce taux sous-estime probablement la réalité.

L'Assurance-maladie ne recense que les TMS ayant donné lieu à des arrêts de travail. Or, on sait très bien qu'il y a beau- coup de personnes qui en souffrent, mats ne s'en plaignent pas. Elles attendent que ça passe, elles consultent éventuellement un médecin ou un kinésithérapeute, mais cela va rarement plus loin.

Depuis quelques années, les kinésithérapeutes voient arriver à leur cabinet une nouvelle clientèle : les informaticiens trentenaires souffrant de hernies discales. « À cause des malpositions et de l'immobilisme dû à leur fonction, explique Gilles Berthier, kinésithérapeute. Ces professionnels passent le plus clair de leur temps assis, ou dans des positions qui accentuent un défaut existant. »

On préfère souvent le design à l'ergonomique

Mais les TMS ne sont pas les seules affections liées à des postures inadaptées. On retrouve aussi de nombreux troubles fonctionnels. On est assis en permanence sur le coccyx et le ventre, ce qui entraîne une mauvaise irrigation générale, une respiration bloquée ainsi qu'une mauvaise assimilation des nutriments de notre alimentation, voire à une mauvaise élimination des toxines.

D'où l'apparition de maux de tête, de constipation aussi, de stases veineuses. Il est nécessaire aujourd'hui d'inventer de nouvelles postures de travail, des gestes et des façons de travailler. D'autant plus que les mauvaises postures occasionnent également une moindre efficacité dans le travail.

Des normes existent pourtant dans le code du Travail pour limiter la fatigue visuelle, auditive, tendino-musculaire... Mais elles sont insuffisantes et mal connues des salariés. En matière de mobilier de bureau, les fabricants français sont en retard et l'aménagement des postes n'est pas le premier souci des entreprises.

Aujourd'hui, on ne sait pas non plus répondre globalement à cette problématique. On ne sait faire que du "fractionné" : si on a mal aux yeux, on va conseiller une pause de cinq minutes toutes les heures. Si on a mal au dos, on pourra, dans le meilleur des cas, proposer une chaise plus confortable. Si on a mal aux jambes, on placera un repose-pieds pour surélever les jambes... C'est bien, mais notre corps a besoin d'une stratégie posturale efficace d'ensemble !

Changer son environnement de travail pour avoir moins mal au dos

Aujourd'hui, l'omniprésence des écrans à domicile nous amène inévitablement à repenser nos postures prolongées assises. À mesure que la position assise prend de plus en plus d'importance, il faut inventer une assise active, c'est-à-dire qui permette la mobilité, et un délassement productif. La chaise sur laquelle nous sommes assis ne doit plus entraver nos mouvements. Elle doit au contraire les libérer.

C'est également l'avis de la société Ergograf qui propose un concept de bureau entièrement mobile, avec un siège qui offre jusqu'à huit positions, assise, debout et semi-allongée. L'occasion rêvée de mettre en pratique la microsieste. Il ne s'agit pas d'inciter les gens à dormir au bureau.

La position semi-allongée favoriserait plutôt la réflexion. Elle laisse libre cours à la créativité. La position assise à angle droit est dépassé. C'est même un non-sens. Quant au plan de travail à l'horizontale, c'est une erreur vieille de cent ans et dont les enfants, les premiers, font les frais aujourd'hui scoliose, mais aussi problèmes d'attention et d'apprentissage.

Si on disposait d'un fauteuil avec accoudoirs, appuie-tête et repose-pieds ainsi que la possibilité d'incliner le siège à 127°, on allégerait déjà considérablement les contraintes que subit le corps. On pourrait éviter la survenue de problèmes chroniques de dos, de cervicalgies... Pour convaincre les entreprises, certains fabricants et professionnels de santé n'hésitent pas à mettre en avant l'augmentation de la productivité mais, surtout, la prévention en matière d'arrêts de travail pour mal de dos... Espérons que les chefs d'entreprises leur prêtent une oreille plus attentive.

Devant l'écran : les conseils anti-fatigue

  • Écran, clavier, documents : d'une manière générale, il faut économiser ses gestes au maximum : ne pas trop relever la tête, ni trop la tourner (on ne devrait pas déplacer sa tête de plus de 10° à 15°). Placer l'écran devant soi, à hauteur des yeux, le clavier sur le même axe que l'écran. Idem pour les documents. Rien que sur un mouvement de tête, on économise deux à trois secondes de temps de travail et donc de productivité.
  • Fatigue visuelle : une pause toutes les heures. Préférez les écrans plats à cristaux liquides qui génèrent moins de reflets et réduisent la fatigue oculaire.
  • Plan de travail : idéalement réglable en hauteur, de façon à s'adapter à chaque utilisateur et permettre de travailler assis ou assis-debout.
  • Siège : il doit s'ajuster à la taille et à la morphologie, et accompagner les mouvements. L'assise et le dossier doivent être mobiles pour favoriser les variations posturales. La bonne hauteur : ni trop basse ni trop haute. Les pieds doivent reposer au sol mais d'une manière "légère" , pas appuyée. Dégourdissez-vous les jambes régulièrement.
  • Éclairage : proche de la lumière naturelle (300 à 340 lux). Placez éventuellement une lampe d'appoint dirigée sur le plan de travail. L'éclairage intérieur et extérieur ne doit pas générer de reflets sur votre écran ni sur vos documents.
  • Bruit de fond : il doit être inférieur à 55 décibels.

Qui peut vous apprendre les bons gestes ?

Depuis un peu moins de deux ans, la filière santé du groupe Merlane, spécialiste du conseil en management, a mis en place des formations en entreprises pour enseigner aux salariés les bonnes postures de travail.

Ces formations se développent dans les moyennes et grosses entreprises, sous la responsabilité du Dr Jean-Paul Rondot, «

  • Les formations concernent plus particulièrement les entreprises industrielles, confrontées à des manutentions excessives ou à des gestes répétitifs. Mais cela peut intéresser toutes les entreprises. Notre mission consiste à dépister les problèmes au quotidien et leur trouver une solution.
  • Pour cela, on discute avec les salariés concernés, on les suit dans leur activité pendant toute une journée. Selon l'intensité des problèmes, on propose soit une conférence éducative sur les bons gestes à connaître, soit des formations plus spécifiques où l'on explique aux salariés l'intérêt d'adopter des bonnes positions à travers des exemples simples et concrets.
  • On les filme à leur poste de travail, ce qui nous permet de corriger; a posteriori, leurs postures et gestes. On leur enseigne aussi quelques exercices de gym, faire des étirements avant de commencer la journée.... Ce sont des exercices que l'on adapte en fonction de l'intensité de l'acte de manutention.
  • On termine par des conseils de nutrition, notamment l'intérêt de bien déjeuner le matin, car la plupart de ces salariés ne déjeunent pas ou se contentent d'un café et d'une madeleine à 10 heures. Quinze jours après, nous effectuons un bilan.
  • Au début, cette approche peut susciter quelques réticences de la part des cadres,. Aujourd'hui, après avoir vu comment ça se passait, certains demandent à participer ! Cela a permis à tout le monde de prendre conscience de ses mauvaises habitudes, et pour nous, de montrer qu'il est possible de travailler dans d'autres conditions et un autre état d'esprit.

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