Pourquoi les Français sont-ils les premiers utilisateurs de médicaments en Europe ?
C'est tout un système qui pousse à la consommation. Les patients ont l'habitude d'être remboursés intégralement grâce à l'Assurance-maladie obligatoire et aux régimes complémentaires. Parallèlement, les médecins libéraux étant payés à l'acte, leur intérêt est de satisfaire le plus possible les désirs de leurs patients.
Enfin, l'industrie pharmaceutique exerce une très forte pression sur les médecins : on compte en France un visiteur médical pour trois généralistes ! Le constat est clair : on consomme plus de médicaments que dans les autres pays.
Les médecins généralistes se sont engagés à moins prescrire. Cette mesure a-t-elle un effet ?
En contrepartie d'une augmentation du tarif de la consultation, les généralistes ont signé des conventions dans lesquelles ils s'engagent à prescrire moins d'antibiotiques, de médicaments anticholestérols (statines) et de psychotropes. Mais cet engagement porte sur des volumes. Cela me paraît discutable. Il vaudrait mieux réguler la consommation de médicaments dans le respect, pour chaque malade, des bonnes indications.
Selon vous, les mesures prises pour lutter contre l'obésité sont-elles suffisantes ?
Elles sont dérisoires face à l'ampleur du problème. Il faudrait supprimer la TVA sur les produits alimentaires bénéfiques pour la santé, comme les fruits et légumes et interdire les produits à densité énergétique trop élevée. Mais on se heurte toujours au poids des lobbies industriels.
130 000 hospitalisations seraient dues chaque année à des accidents médicamenteux. Comment l'expliquer ?
C'est vrai et la moitié aurait pu être évitée grâce à une meilleure information sur les médicaments et leurs effets indésirables. Les premiers concernés sont les personnes âgées. Étant plus souvent malades, elles prennent plus de médicaments. Elles sont aussi moins résistantes et ont des reins qui fonctionnent moins bien qu'une personne jeune, ce qui les expose à un risque d'accident plus élevé.
Peut-on alléger les ordonnances des personnes âgées ?
Il faut donner des médicaments à bon escient et hiérarchiser les prescriptions. Si une personne souffre de différentes maladies, il n'est peut-être pas obligatoire de traiter chacune d'entre elles. Il faut veiller à la bonne observance des ordonnances.
C'est le rôle du médecin, du pharmacien, mais aussi de la famille. Enfin, le médecin doit savoir ce que son patient prend en automédication. Certaines personnes ont recours de manière un peu désordonnée à la pharmacie familiale qui contient souvent des produits prescrits antérieurement et pour lesquels un avis médical est nécessaire.
Sous prétexte de sécurité, les mesures récentes sur les médicaments ne visent- elles pas à faire des économies ?
On brandit le drapeau de la qualité des soins en pointant une surconsommation de médicaments et de mauvaises prescriptions. Personne ne peut être contre. Mais, on oublie de dire qu'il y a aussi une sous-consommation de soins dans certaines pathologies. Je pense notamment au diabète. La moitié des patients diabétiques n'a pas le traitement qui convient. L'hépatite B n'est pas assez diagnostiquée, du coup les malades ne sont pas soignés. De même, beaucoup de dépressifs ne sont pas identifiés et ne reçoivent aucun traitement.
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