Une société peu adaptée
Atteint de rétinite pigmentaire, Pascal Foucher, 56 ans, perd progressivement la vue. Son champ visuel se réduit au fil des ans, l'obligeant à limiter ses déplacements. « Dans la rue, je me fais injurier parce que je bouscule les gens. Il m'est arrivé d'être traité d'alcoolique parce que j'ai du mal à marcher droit. J'accroche les présentoirs dans les magasins... C'est drôle une fois ou deux, mais quand ça vous arrive des centaines de fois, c'est dur à vivre. »
Perdre la vue vous plonge dans un univers hostile, où tous les gestes de la vie quotidienne, traverser la rue, faire la cuisine deviennent compliqués et, souvent, dangereux.
En effet, 80 % des informations sont fournies par la vue. Les répercussions d'une déficience visuelle sur la vie des patients seront très différentes Selon leur histoire et leur personnalité. Certains ont l'impression qu'ils ne peuvent plus rien faire. Ici, nous les aidons à reprendre confiance en eux.
En France, les structures comme le CRPM, où les patients sont conseillés par une équipe pluridisciplinaire comprenant ophtalmologistes, orthoptistes, ergothérapeutes, psychologues... sont peu nombreuses. La prise en charge des malvoyants s'améliore, mais nous avons beaucoup de retard.
On manque d'équipes spécialisées
Pourtant, les besoins sont réels. Josette, 65 ans, bénévole au sein de l'association DMLA, témoigne : « Beaucoup de personnes nous appellent pour parler de leur vie quotidienne et demander des conseils. Les femmes se désolent de ne plus pouvoir se maquiller. Elles sont obligées de demander à leur mari comment s'habiller. L'autre jour, une grand- mère nous racontait qu’elle ne reconnaissait plus sa petite-fille qu’à la voix. » Trop souvent, ces personnes ignorent les aides dont elles peuvent bénéficier.
Il est vrai que certains ophtalmologistes ne s'occupent que de la maladie et ne donnent pas de conseils pour gérer le handicap alors qu’au contraire, qu’ils peuvent faire beaucoup pour aider les malvoyants.
Apprendre à voir autrement
Pierre, 69 ans, atteint de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge), va bientôt commencer des séances d'orthoptie. « Mon œil le plus atteint garde une vision périphérique. Je pense qu'on pourrait l'utiliser. » De fait, on peut, par des exercices, s'entraîner à "voir autrement", de façon à utiliser au mieux les capacités restantes.
Au cours de ces séances, on peut aussi "réapprendre" à lire avec des aides optiques (loupes, vidéo-agrandisseurs...). Ces appareils sont pratiques pour déchiffrer une facture, faire des mots croisés, mais pour lire un roman il vaut mieux choisir les cassettes enregistrées ou les livres en gros caractères.
Hélas, ces systèmes coûtent très cher et ne sont, pour la plupart, pas pris en charge par la Sécurité sociale (un vidéo-agrandisseur coûte environ 3 000€ ). On peut, malgré tout, s'adresser à un "Site pour la vie autonome", pour obtenir une aide financière. Mais les moyens dont disposent ces structures officielles sont très variables d'un département à l'autre.
Réaménager son intérieur
« Je casse toute ma vaisselle, je verse l'eau à côté du verre... » Malgré une vigilance de chaque instant, le moindre geste est un véritable casse-tête pour Véronique, 49 ans, atteinte d'une forme grave de glaucome. Sur les conseils d'un ergothérapeute spécialisé, on peut réorganiser son intérieur de la manière la plus pratique possible. Ces astuces, souvent simples, vous changent réellement la vie.
Affronter la rue
Pierre, malgré une vision extrêmement réduite, continue de se déplacer seul dans la rue. « Sur les trajets habituels, je fais appel à ma mémoire. Mais cela m'oblige à rester très concentré. ».
Chacun a ses petits trucs pour affronter les carrefours, la foule et les transports en commun. Véronique s'est lancée un véritable défi. « Je me suis tellement fait traiter de "mémé" parce que je me déplace lentement que j'ai décidé qu'on ne remarquerait plus mon handicap. » Depuis, elle s'entraîne à se servir de tous ses sens quand elle marche dans la rue.
Plutôt que d'improviser ses déplacements, on peut aussi suivre un apprentissage avec un professionnel, un instructeur de locomotion vous montre comment prendre des repères dans la rue. Il peut, bien que ce soit une étape difficile psychologiquement, vous apprendre à utiliser une canne blanche, à la fois pour gérer les obstacles et vous signaler aux autres.
Pour trouver l'adresse d'un spécialiste "basse vision" ou du matériel adapté, le mieux est de demander conseil auprès des associations de patients.
Astuces pour vous faciliter la vie
Le moindre geste du quotidien peut être un vrai casse-tête. Des astuces pour réorganiser son intérieur :
- Poser des repères tactiles pour reconnaître les programmes du lave-linge, les couleurs de vêtements, les températures du four...
- Jouer des contrastes de couleurs pour la vaisselle.
- Utiliser des verres anti-renversement, des assiettes inclinées pour que la nourriture ne déborde pas....
Des malvoyants de plus en plus nombreux
En France, 800 000 personnes souffrent de glaucome, une maladie qui détruit progressivement le nerf optique. Plus de 400 000 patients sont atteints de DMLA. Entre 50 000 et 70 000 personnes ont une rétinite pigmentaire, maladie d'origine génétique.
Enfin, 10 % des diabétiques souffrent de rétinopathie, une maladie qui peut rendre aveugle et qui pourrait être évitée par un meilleur suivi ophtalmologique.
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