Gommer une culotte de cheval, rendre son ovale à un visage... sont des possibilités que nous offre la chirurgie esthétique pour être mieux dans notre peau. Dans quelle mesure sommes-nous influencées par les visages et les corps parfaits qui illustrent les magazines ou les spots publicitaires ?
L'image que nous avons de nous-mêmes est une donnée très subjective. Nombreuses sont celles qui sont complexées par un nez busqué, mais qui n'auront jamais recours à la chirurgie esthétique : au fil du temps, elles ont appris à s'accepter. Une deuxième catégorie concerne des femmes qui ne s'accommoderont jamais du moindre défaut physique et iront d'opération en opération. Entre les deux, celles qui se font opérer après avoir hésité pendant longtemps, par crainte de l'intervention.
Ce cap franchi, les peurs s'envolent. Ces femmes passeront facilement à une deuxième, voire une troisième intervention.
Elodie, 37 ans, a été opérée trois fois : « À 19 ans, j'ai subi une rhinoplastie pour retirer une bosse sur mon nez. À 23 ans, on m'a posé des implants mammaires, car je n'avais pas du tout de poitrine. Enfin, il y a deux ans, j'ai subi une injection de graisse pour corriger des cernes importants. Aujourd'hui, je n'envisage pas d'autres interventions et je ne me considère pas "accro" à la chirurgie esthétique. »
L'éthique du chirurgien
La demande des patientes a évolué et les indications opératoires ont suivi. Les chirurgiens ne réservent plus les liftings aux femmes qui ont dépassé la cinquantaine : « Je reçois désormais des femmes de 40-45 ans que j'aurais sûrement refusé d'opérer il y a vingt ans », constate le Dr Jean- Claude Hagège, chirurgien plasticien. De plus, la tendance est aux interventions légères, quelques années après le premier lifting, pour en maintenir les bénéfices. Mais nous sommes très loin des excès du Brésil ou des Etats-Unis.
En France, on privilégie les gestes doux et les interventions modérées. Ce qui n'empêche pas les femmes les plus fragiles de se focaliser sur les archétypes féminins livrés par la mode et la publicité. « J'ai reçu un jour une femme qui m'a demandé : "Mais que feriez-vous sur mon visage ?" raconte le Dr Hagège. Je lui ai demandé ce qui la gênait. Elle m'a répondu : "Rien, mais la mode est aux visages carrés." Je pense que cette femme était la candidate idéale aux opérations multiples. J'ai décidé de ne pas l'opérer. »
Nul chirurgien n'est à l'abri d'une demande irraisonnée. Aussi fin psychologue soit-il, il peut se faire piéger par une requête en apparence anodine. Pour sa part, le Dr Hagège se base sur deux critères qui lui permettent de trancher : l'intervention ne doit pas modifier l'expression du visage, et l'investissement émotionnel de la patiente ne doit pas être trop important. Si certains chirurgiens affichent une éthique irréprochable, d'autres, en revanche, incitent de façon insidieuse leurs patientes à corriger telle ou telle imperfection.
Des mots qui font mal
Les femmes "accros" à la chirurgie esthétique ne présentent pas toutes les mêmes traits de caractère. Il existe néanmoins des profils à risques comme les personnalités "histrioniques", qui s'expriment de façon théâtrale et sont très centrées sur le paraître. Elles tentent de cacher leur mal-être en endossant différentes carapaces, dont la chirurgie esthétique fait partie.
« Il existe, chez ces femmes, un surinvestissement de l'image du corps. Elles ont un idéal de perfection tyrannique et inatteignable », explique le Dr Bemard Waysfeld, psychiatre. Ces souffrances psychologiques trouvent leur origine dans l'enfance (impossibilité de s'affirmer dans leur désir et dans leur capacité de séduction envers les hommes/femmes). Elles ont tendance à surenchérir dans le registre de la séduction. Comme elles sont persuadées que plus leur corps sera parfait, plus elles plairont, elles s'adressent aux chirurgiens esthétiques pour atteindre leur but.
Par ailleurs, des phrases aussi anodines que blessantes distillées dans l'enfance - comme "tu as un vilain nez" - peuvent engendrer un profond sentiment de dévalorisation qui perdure à l'âge adulte.
On focalise sur cette partie du corps, car elle nous renvoie à une relation d'amour à un proche et nous rappelle une expérience traumatique.
Une quête de perfection
L'ambiguïté de la relation mère-fille peut aussi causer des ravages. « J'ai reçu une femme d'une cinquantaine d'années qui est venue avec des dizaines de photos de sa mère au même âge. Cette dernière était très belle et sa fille voulait lui ressembler. Je l'ai opérée deux fois. Puis, sa demande est devenue pressante et je l'ai adressée à un psychiatre », poursuit le Dr Hagège pour expliquer ce comportement.
Les personnalités dites narcissiques, qui ont à la fois une haute opinion d'elles-mêmes et pensent que tout leur est dû, peuvent, elles aussi, présenter des demandes compulsives. Dans tous les cas, le bistouri du chirurgien est investi d'un pouvoir quasi magique qui rétablirait un équilibre intérieur... Pour le Dr Waysfeld, « Certains événements de la vie sont de véritables révélateurs d'une image de soi très fragile. » Le remède ? Commencer une psychothérapie pour comprendre ce qui se cache derrière cette quête de perfection. Même si les chirurgiens soulignent que nombre de femmes, à qui ils refusent une opération, partent en claquant la porte lorsqu'ils leur conseillent de prendre rendez-vous avec un psy !
À lire :
- Le Pouvoir de séduire, Jean-Claude Hagège, éd. Odile Jacob
- Le Guide pratique de la beauté, J.-C. Hagège et Patrice Morel, éd. Odile Jacob
- Le Poids et le moi, Bernard Waysfeld, éd. Armand Colin
- Petits complexes et grosses déprimes, Christophe André et Muzo, éd. Seuil.
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