Comment je veux désirer et comment je veux être désirée ?

Couple contrarié se tournant le dos
Pourquoi faisons-nous toujours autant le constat d’une dissymétrie, d’un tel manque d’égalité, d’une telle ascendance dans les relations femmes/hommes ? Les femmes sont vouées aux hommes à travers la sexualité, le mariage et la maternité. Il s’agit pour les hommes de posséder l’objet féminin à visée fécondatrice. Ce mode relationnel d’emprise est soutenu et porté par notre culture et par le joug d’une société patriarcale terrorisée que cette sexualité ne lui échappe. La peur est que la sexualité des femmes ne serve que leur jouissance et leur plaisir. Il s’agit là pour le moins d’une blessure narcissique, mais le fantasme ultime serait le chaos et la fin de l’espèce humaine. 

La place de la femme relayée au second plan pendant des siècles

Nous en voulons pour preuve deux exemples parmi tant d’autres :

  • Le clitoris apparaît enfin dans les manuels scolaires (vous savez ce truc du corps sexué des femmes qui ne sert qu’au plaisir féminin !).
  • La série « La servante écarlate » (tirée du roman de Margaret Atwood écrit en 1985) qui fait fureur en occident en ce moment. Cette série traite du fantasme de la baisse de la fécondité qui induirait le péril total du genre humain. Cette baisse majeure de la fécondité entraîne une prise totale de contrôle du corps féminin par les hommes pour les assouvir à leur propre pulsion et reprendre le contrôle d’une société à la dérive. En effet cette baisse de fécondité aurait été le résultat de ce que les femmes avaient gagné sur le contrôle des naissances avec les mouvements de libération de la femme dans les années 70.

Mai 68 et les mouvements de libération de la femme sont passés par là, mais les mécanismes ancestraux patriarcaux ont encore prise sur les corps des femmes dans le domaine de la sexualité. Les lois séculaires de la domination masculine ont toujours court. La libération initiée par le féminisme s’est arrêtée au seuil de l’intime comme l’explique Camille Froidevaux-Metterie dans son ouvrage Le corps des femmes, 2018. Il n’y a qu’à voir ce que révèle le mouvement #metoo ! Presque plus que les femmes, c’est le corps féminin qui est subordonné aux hommes. C’est ce corps sexué qui est autant objet de convoitise que de subordination.

D’un côté les femmes ont gagné une émancipation professionnelle, plus ou moins économique puisqu’elles peuvent travailler (bien qu’il y ait encore plus de 25% d’écart de revenu), une forme d’émancipation sexuelle à travers le contrôle des naissances et un droit de citer.

De l’autre, les chiffres des violences sexistes et sexuelles sont effrayants et on doit le constater malheureusement en hausse. On pourrait d’ailleurs penser que cette hausse peut être aussi liée à cette volonté manifeste des femmes à s’émanciper et à s’exprimer.

Pourtant, le 24 novembre dernier, 50 000 personnes ont marché en France contre les violences sexistes et sexuelles. Pourquoi ? Parce que les chiffres sont effrayants. En voici quelques uns qui de plus sont en hausse dernièrement :

  • 84 000 femmes âgées de 18 à 75 sont victimes de viols ou tentatives de viol (source du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, HCE), soit 230 viols par jour en France ;
  • 225 000 femmes victimes de violence physique et/ou sexuelle commise par le partenaire intime (source Stop-violences-femmes.gouv.fr), soit 616 victimes recensées par jour.

Il est bien souvent difficile pour une femme de dire ce qu’est la féminité et le féminin. Leur sexualité reste pour une grande part d’elles à des fins procréatrices. Pour d’autres, leur sexualité reste soumise aux fantasmes de leur partenaire intime. Pour bien d’autres, leur sexualité s’est éteinte devant la fonction maternelle.

Rares sont celles qui s’affranchissent du joug de notre société patriarcale. Certaines « tombant » alors dans les diktats d’une sexualité sans frein, soumises à l’orgasme et au devoir d’épanouissement sexuel. Chez les autres, enfin, subsiste une forme de gêne face à cette liberté.

A qui la faute ? Aux femmes ?

Non. Non pas au sens de la faute. Mais il leur revient de s’emparer de leur corps intime et d’en faire autre chose que ce qui leur a toujours été proposé et dans laquelle elles ont été et se sont enfermées. Manon Garcia dit d’ailleurs « On ne naît pas soumise, on le devient ».

Et comment on peut s’en sortir alors ?

Le corps intime est ce par quoi les femmes s’expriment de manière subjective dans leur rapport à l’autre, au monde, du fait de leur nature (nature au sens de la spécificité du féminin dans ses différences avec le masculin sur le plan génétique, hormonal et morphologique).

C’est à travers leur corps, leur espace intime, que leur indépendance peut se réaliser. Elles doivent revisiter leur position subjective et s’affranchir pour ne plus être objet.

Le maître mot, ou la maîtresse phrase peut être alors :« Comment je veux désirer et comment je veux être désirée !».

Les femmes doivent devenir sujet de leur désir. Sujet au sens d’être active dans l’émergence de leur désir à questionner. Sujet dans l’affirmation de leurs désirs à cette autre moitié de l’humanité sexuée. Cette autre moitié de l’humanité sexuée où l’homme est un individu sexué et la femme est l’égale de l’homme en tant qu’individu également sexué.

Pour autant cette démarche est extrêmement personnelle, singulière. A chaque femme de déterminer la manière dont elle souhaite être regardée, abordée, considérée, touchée, aimée. A chacune également de savoir ce qu’elle va vouloir adresser à l’autre masculin. C’est pour cela que l’on parlera des désirs et non pas du désir, comme on parle des femmes et non pas de la femme, ainsi que des sexualités et non pas de la sexualité.

A chaque femme de l’incarner, de porter en elle ce désir d’être au monde. Il ne s’agira alors plus de la prépondérance d’un désir sur l’autre, ni d’un individu sur l’autre, mais il s’agira d’arriver à une égalité d’être entre femmes et hommes, à un meilleur équilibre et une meilleure dynamique des relations où chacun saura s’y retrouver. Quand cela sera normal pour les femmes, cela deviendra davantage normal pour les hommes d’avoir en face d’eux des femmes qui affirment de manière assertive, sans retenue, sans gène, sans provocation et sans paraître ou être castratrice, ce qu’elles désirent d’eux.

Ne serait-ce pas un premier pas pour une baisse réelle des actes de violences sexistes et sexuelles ?

Les femmes ne seront vraiment libres que lorsqu’il sera parfaitement normal pour elles de faire le premier pas. Kate Neuman, actrice et écrivaine a publié un billet en faveur du « premier pas » : “Si tu aimes un mec, dis-le-lui”. (publié dans le New York Times ce 15 novembre).

Faire le premier pas, c’est se libérer des poncifs de la séduction, c’est aussi redistribuer les cartes de la séduction. Ne serait-ce pas un premier pas pour permettre aux femmes d’être réellement libres ?

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