Prêt à changer de pays et de vie ? Témoignages et conseils

Changer De Pays
Pas facile de bâtir une nouvelle vie sous d’autres cieux. Certains relèvent le défi avec succès. D’autres se brûlent les ailes. Leurs itinéraires et nos conseils pour changer de pays, de vie…

« Comme j’aimerais vivre là-bas ! » Qui n'a jamais prononcé cette phrase ? Le plus souvent sans y croire vraiment... En effet, changer de vie fait partie d'un mythe qui évoque à la fois l'aventure, le grand saut et la recherche du paradis perdu.

La première fois que l'idée a germé dans l'esprit de Michel, c'était en découvrant Tahiti. « J'ai tout de suite été séduit par la beauté du paysage et la gentillesse des habitants ». De bons souvenirs de vacances n'étant pas un motif suffisant pour partir, Michel a laissé mûrir ce projet durant des années. A la mort accidentelle de sa femme, son désir de partir ressurgit. Mais la raison l'empêche de prendre cette décision dans un contexte aussi peu favorable (une dépression liée à un veuvage).

On ne doit jamais partir avec l'illusion que la distance va effacer nos problèmes ou nos chagrins. Qu'on le veuille ou non, ceux-là viennent avec nous. Changer de vie parce qu’on n’a plus rien à perdre est donc un mauvais prétexte. C'est même la plus mauvaise période pour faire ce type d'expérience !

Quand finalement Michel prend le large, près de vingt ans se sont écoulés depuis qu'il s'est découvert une passion pour Tahiti. Sa situation est alors très différente. Il a refait sa vie. « En France, nous sommes reconnus dans notre travail, habitons une belle maison et avons de bons amis, témoigne Catherine, sa femme. Nous ne partons pas désespérés, mais plutôt en pleine gloire ! »

Tout quitter, ce n'est pas fuir

S'ils partent à Tahiti le cœur léger, c'est parce que leur projet correspond à quelque chose de profondément ancré en eux et non à une lubie ou un leurre. Celui de croire que c'est forcément mieux ailleurs... Ils se disent qu'ils vont vivre une expérience formidable. Et peu importe que celle-ci dure six mois ou dix ans ! Le couple n'exclut pas de revenir mais sait que s'il ne tente pas l'expérience aujourd'hui, il risque de le regretter toute sa vie.

Leur entourage ne les a pourtant pas ménagés. « Certains nous ont fait une scène de jalousie, d'autres nous ont donné mille et une (fausses) raisons pour ne pas partir.», explique Michel.

En fait, l'annonce d'un grand départ est comme une onde de choc pour l'entourage, car elle renvoie l'autre à l'examen de sa propre vie, l'obligeant à se remettre en question. Les désirs refoulés des uns, les angoisses et les résistances au changement des autres, peuvent alors ressurgir sous forme d'agressivité vis-à-vis de ceux qui osent.

Expérience différente, celle de Benoît et de Sophie qui ont tout quitter sur un coup de tête. Le couple traversant une crise importante, ils décident de partir s'installer dans le Sud de la France, pour revivre une seconde lune de miel, loin de la vie parisienne et de ses multiples tentations. Sophie y croit vraiment les premières semaines, tant son mari se montre romantique et prévenant, comme dans les premiers temps de leur rencontre. Mais très vite, les retards inopinés, les coups de fils suspects et les soi-disant amies d'enfance qui débarquent à l'improviste font leur réapparition : un changement d'adresse n'a pas suffi à transformer Benoît en mari idéal !

Le candidat idéal au changement de vie a suffisamment d'énergie et de confiance en lui pour relever le défi. Il se plaint volontiers "d'étouffer" dans sa vie quotidienne et son projet de partir représente un moyen pour vivre en harmonie avec lui-même, mais non une fin en soi. « Ce n'est pas la première fois que je fais le grand saut, raconte Isabelle. À chaque fois que je suis partie, l'impression que je n'étais plus à ma place s'est imposée progressivement mais sûrement. Avec force et insistance. »

Jeune fille, elle part de sa province natale pour faire ses preuves à Paris. « Mon père étant un homme d'affaires brillant, j'avais besoin de montrer que je pouvais réussir moi aussi. ». Quelques années plus tard, Isabelle se retrouve à la tête d'une agence de publicité qui marche très fort. « Ayant rempli mon premier contrat (celui de réussir socialement), j'ai ressenti à nouveau cette impression d'avoir besoin d'autre chose. »

Une décision qui doit mûrir

« Après mûre réflexion et à la surprise de mon entourage, j'ai lâché l'agence en pleine expansion pour revenir à mon premier amour : la danse. Beaucoup n'ont pas compris pourquoi je laissais tomber un métier me rapportant beaucoup d'argent. Pour un autre plus aléatoire. La réponse est pourtant simple j'essaye de faire passer mes désirs avant mon confort matériel car un changement de vie réussi est une source de richesse personnelle extraordinaire. »

Après plusieurs années de vie en région parisienne, Camille et son mari sont partis s'installer à Marseille. « Cette décision ne s'est pas prise du jour au lendemain. L'idée que nous serions plus à notre place dans le Sud a peu a peu fait son chemin et a fini par s'imposer comme une évidence. Pour l'un comme pour l'autre ». Il est en effet essentiel que le couple partage cette envie, faute de quoi le risque d'échec est grand.

Dès les premières difficultés, le plus récalcitrant des deux pourrait reprocher à l'autre de l'avoir entraîner dans une aventure trop risquée. L'autre pourrait en ressentir une grande culpabilité et ne plus trouver l'énergie nécessaire pour redresser la situation en sa faveur.

Entre rêve et réalité, il y a un fossé !

Entre le désir de partir et le passage à l'acte, il y a un grand pas que tout le monde ne peut pas franchir. Cela peut s'expliquer : des idées reçues depuis l'enfance, ainsi que la pression sociale parasitent nos pensées.

C'est le cas de Marianne, architecte. Mariée, deux enfants. De l'extérieur, elle a tout pour être heureuse. Pourtant, au cap de la quarantaine, elle passe par une phase dépressive.

« J'ai alors débuté une psychothérapie. D'où une prise de conscience. Mes études d'architecte, mon mariage, ma vie si parfaite, tout cela correspondait à ce que mes parents avaient toujours souhaité pour moi. Mais au fond de moi, une petite voix me soufflait depuis longtemps que ma vie était ailleurs. Je voulais être archéologue, une sorte d'aventurière. Mais cela ne se faisait pas dans mon milieu bourgeois. Sans cette psychothérapie, la petite voix intérieure n'aurait jamais pu s exprimer. »

Bien que Marianne ait fini par comprendre combien il était important de vivre en accord avec ses désirs, elle n'a pu se résoudre à changer de vie pour devenir celle qu'elle aurait voulu être : « Je ne peux pas faire ça aux enfants, que va-t-on penser de moi, mon mari ne comprendrait pas... », toutes ces phrases répétées, en guise d'excuses, montrent que l'angoisse de partir est encore plus forte.

Parce qu'on a beau être attiré par une vie "ailleurs", être convaincu que celle-ci pourrait être meilleure, encore faut-il avoir une personnalité capable de s'adapter. Ne peuvent pas changer de vie les personnes trop rigides sur le plan psychique pour accepter que tout ne se passe pas exactement comme elles le voudraient : en effet, ce type de projet s'accompagne toujours d'une part d'imprévu.

Folie des grandeurs

Faute d'en être conscients, le rêve de Charles et Agnès a viré au cauchemar. Tous deux souhaitaient faire le tour du monde sur un voilier qu'ils auraient construit eux-mêmes.

Douze ans de leur vie et les trois-quarts de leurs économies sont passés dans ce projet ! Pourtant, lorsque le bateau a été fin prêt, le couple n'est jamais parti sous prétexte que le bateau n'était pas exactement comme ils l'avaient rêvé !  Ce n'est pas un caprice comme on pourrait le croire, mais un scénario assez classique. Car, pour accepter la réalité telle qu'elle se présente, il faut d'abord faire le deuil du projet qu'on s'était imaginé. Cela demande une certaine souplesse de caractère et la capacité à prendre du recul.

D'autres personnes ne partent pas, car elles manquent de confiance en elles. Un changement de vie trop radical ne ferait qu'aggraver leur sentiment d'angoisse et d'insécurité, au point de paralyser leur esprit d'initiative. Les personnes qui consultent régulièrement un psychologue parce qu'elles vivent très mal un changement de situation dans leur vie familiale (séparation, divorce, veuvage…) ou professionnelle (mutation, changement de direction, licenciement...) sont typiquement dans ce cas.

"On sait ce qu'on perd, pas ce qu'on gagne", prévient la sagesse populaire. Ce dicton prend tout son sens lorsqu'on décide de changer de vie. Bien entendu, ceux qui se lancent espèrent tous "un plus" par rapport à leur vie actuelle.

Il est cependant irréaliste de penser que tout ira mieux dans tous les domaines. C'est on déconseille à une personne ou un couple de partir quand il place la barre trop haute.

Carole et Alain sont tombés dans ce piège. Etudiants en Lettres, ils reviennent enchantés du Népal. De retour à Paris, la vie leur semble impossible. Ils sont convaincus d'êtres faits pour vivre là-bas et rassemblent leurs économies avec l'idée d'ouvrir un bar dans un site touristique grandiose. Face à la pression familiale pour les retenir, ils se promettent de réussir et de gagner assez d'argent pour montrer ce dont ils sont capables !

Le résultat ne se fait pas attendre : ils coulent leur affaire en six mois et se séparent. Leur erreur est d'être partis en oubliant leur objectif premier (celui de vivre en harmonie avec eux-mêmes), au profit d'un autre : montrer aux autres ce dont ils étaient capables.

Lorsque Béatrice, aide- soignante, et Sylvain, carreleur, quittent leur banlieue pour aller vivre dans une maison isolée dans le Var, leurs copains ne leur donnent pas dix jours pour revenir. Cela ne les empêchent pas de partir sans autre projet que celui de « se trouver un coin sympa ». Ils tombent alors sous le charme d'un petit village, s'y installent, vivant d'intérims et de fêtes. La belle histoire dure une dizaine d'années.

Puis, le couple rencontrant des difficultés, Béatrice rentre seule à Paris où elle retrouve les amis et les habitudes d'autrefois.

Le fait de revenir sur ses pas après une expérience enrichissante ne doit pas être confondu avec un échec. Même si le changement de vie ne dure qu'un temps…

Avoir osé franchir le pas, se dire qu'on ne vivra pas avec des regrets, est déjà très positif !  Denis a vécu six ans aux Etats-Unis. Animateur de dessin animé, il s'est vu offrir une place en or à la fin de ses études, dans une prestigieuse maison de production.

Départ En Voyage
© istock

Avoir confiance en soi

Son rêve devenant réalité, il espérait s'installer définitivement aux Etats-Unis, lorsque son contrat a été rompu du fait de la crise économique. Denis est donc rentré en France. Toutefois, il n'a eu aucun mal à retrouver un poste intéressant étant donné son expérience. Surtout, il sait qu'il a été au bout de son rêve d'enfant. Ainsi il a appris à se faire confiance, à montrer qu'il pouvait s'adapter en toutes circonstances. Deux qualités qui lui serviront toute sa vie.

Annoncer le grand départ aux enfants

Pas question d'annoncer, du jour au lendemain, à vos enfants que vous déménagez à l'autre bout du monde ! Donnez-leur du temps pour accepter la situation en multipliant les phrases du style "peut-être qu'un jour...", "avec ton père, on aimerait bien..."

Puis une fois la décision prise, soyez honnête et ferme : ne leur faites pas croire qu'ils ont le choix en leur demandant s'ils sont d'accord, mais dites d'emblée que "votre décision est prise", "que vous allez tout faire pour que cela se passe le mieux possible"...

Ne leur faites pas miroiter une vie meilleure sur tous les plans mais aidez-les à trouver de nouvelles motivations. La proximité de la mer ou de la montagne, une maison plus grande avec une chambre pour chacun d'eux... Enfin, ne vous inquiétez pas si votre enfant rejette longtemps votre projet. Cette réaction est normale, car il pense d'abord à ses copains, ses loisirs.

Pour voir votre projet d'un œil meilleur, il doit faire le deuil de son petit monde et cela prend du temps.

Test : Etes-vous prêt à sauter le pas ?

Le principal risque étant de partir pour "fuir" un problème, souvent inconscient, posez-vous d'abord ces questions en toute sincérité :

  • Vous faites-vous facilement "une montagne" à partir d'un incident jugé mineur par votre entourage.
  • Etes-vous du genre anxieux ou phobique ?
  • Ressentez-vous souvent l'envie de changer, que ce soit de partenaire, de maison ou de travail, dit-on de vous que vous êtes instable ?
  • Etes-vous insatisfait de votre vie actuelle au point de penser que vous n'avez rien à perdre et tout à gagner ?
  • Votre envie de changer de vie fait-elle suite à un conflit ou une frustration mineure ou majeure, dans quelque domaine que ce soit ?
  • Lorsque vous préparez votre vie future, cherchez-vous à la régler dans les moindres détails avec l'espoir de tout maîtriser ?

Si vous répondez "oui" à plusieurs de ces questions, allez plus loin dans votre analyse. Pour changer de vie dans les meilleures conditions, vous devez d'abord régler vos problèmes d'anxiété, vos envies de fuite ou votre manque de confiance en vous. Vous devez, enfin, comprendre qu'ailleurs, tout n'est pas rose et que le simple fait de partir, même très loin, ne suffit pas à se libérer du poids du passé.

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