La relation médecin-patient : des confidences en toute confiance

Relation Medecin Patient
Véritable scène de théâtre avec ses joies et ses peines, le face-à-face entre un médecin et son patient semble avoir beaucoup évolué ces dernières années.

Il se dit beaucoup de choses dans un cabinet médical : des souffrances, des angoisses, la famille, le travail… Pour le malade, la situation est assez inconfortable. Il n'est pas facile de se mettre à nu, au propre comme au figuré, devant un médecin, d'autant que la consultation se déroule en quelques minutes seulement. Un temps très court pendant lequel les deux protagonistes doivent être performants. Il faut caser quelques phrases d'explication, un examen clinique, un diagnostic (et si possible, le bon), la rédaction d'une ordonnance et une bonne poignée de main.

« Je préfère un médecin peu bavard mais efficace, plutôt que l'inverse. Comme je fonctionne à l'instinct, le type sérieux me fait moins peur que celui qui rigole », explique Laurence, mère de famille.

Certaines personnes restent fidèles au même praticien des années durant. Entre l'ami et le confident, le docteur connaît toute l'histoire familiale. « Un des grands agréments de ce métier, c'est d'écouter les gens. La sympathie se déclenche presque toujours à partir du moment où le médecin sent que le patient lui fait confiance et qu'il va pouvoir le soulager, raconte le Dr Jacques Martin, 82 ans, ancien médecin généraliste. J'ai même des souvenirs d'amitié avec des patients. Mais nous ne sommes ni psychanalyste ni prêtre. »

Une fragile alchimie

Cette relation de confiance est fragile. « Le médecin doit trouver la bonne distance. Dans ce métier, l'empathie, c'est-à-dire la capacité à ressentir ce que l'autre éprouve, est une qualité élémentaire.

De fait, il suffit d'un mot maladroit, d'une réflexion mal placée ou, simplement, d'un moment d'inattention pour briser le lien subtil qui s'était établi. La relation médecin-patient, c'est une véritable alchimie.

Soigner est le pain quotidien du médecin. Mais le patient se trouve, de fait, en situation d'infériorité. À eux de mettre le patient en confiance pour qu'il se lâche.

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Médecin Mauvaise Nouvelle Cancer
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Seize minutes chrono

Nombreux sont les incidents qui peuvent gâcher définitivement cette "alchimie". On sait, par exemple, qu'une consultation chez un généraliste dure en moyenne seize minutes (source Drees, avril 2016), un peu plus longtemps pour les personnes âgées, les malades chroniques et les catégories socio-professionnelles supérieures.

Une chose est sûre : en un quart d'heure, il faut aller droit au but. On a tout juste le temps de s'en tenir aux symptômes, mais pas de s'étendre sur les soucis familiaux ou professionnels. Et pourtant, il n'est pas besoin d'avoir un diplôme en psychologie pour savoir que tout est lié.

« On s'aperçoit que les gens ont un immense besoin de parler, surtout en gynécologie où il y a tellement de troubles psychosomatiques : mal de dos ou de ventre, douleurs pelviennes... Or, je m'étonne de voir que peu de médecins sont à l'écoute, sous prétexte qu'ils ont beaucoup de travail et qu'il faut aller vite. Seule la technique les intéresse », raconte le Dr Gérard Menard, gynécologue.

Il est pourtant vrai que beaucoup de femmes se plaignent de la froideur de leur gynécologue. Un spécialiste auquel elles confient pourtant souvent des problèmes très intimes.

A l'image de Marie, 35 ans, très déçue lors de sa première grossesse : « Ma gynécologue m'a annoncé que j'étais enceinte en dix minutes, examen compris. Ce n'est pas normal ! Du jour au lendemain, votre état est complètement modifié. Pendant les trois premiers mois, elle ne m'a parlé que de mon poids et de la toxoplasmose. Rien d'autre. Aucune question sur mon mari, mon travail, mes trajets... J'avais l'impression d'être un numéro. »

L'annonce d'une maladie grave

Tout se complique dans le cas d'une maladie grave. Les mots pèsent alors d'un poids redoutable. Sylvie Fainzang, anthropologue à l'Inserm, a assisté à des consultations de cancérologie et écouté les paroles échangées. Et, selon elle, on frise souvent le mensonge !

« Aujourd'hui, quelqu'un qui a un cancer le sait. Mais s'il s'agit d'un cancer métastasé, on l'informe beaucoup moins, voire on lui ment, soit par euphémisme soit pour lui cacher la réalité. Et tout cela est justifié au nom du bien du patient, pour ne pas lui faire perdre espoir », affirme-t-elle.

Mais, de son côté, le patient cache aussi certaines informations : « Par exemple, il n'évoque pas l'apparition de nouveaux symptômes ou il ne dit pas qu'il a pris des médecines complémentaires par peur d'être réprimandé ou de se voir interdire une pratique, explique la chercheuse. Ces craintes semblent plus fréquentes dans les milieux défavorisés et chez les personnes âgées, car la relation hiérarchique avec le médecin est plus forte. »

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Pas de diagnostic dans le couloir

Les résultats de cette enquête devraient être démentis dans les années qui viennent par l'instauration du dispositif d'annonce de la maladie, à l'initiative de l'Institut national du cancer et de La Ligue.

L'idée est d'en finir avec des pratiques douteuses où le patient apprend dans un couloir le diagnostic de sa maladie.

Désormais, le "timing" est bien précis. Tout commence par une réunion de concertation pluridisciplinaire entre tous les professionnels concernés (cancérologue, radiologue, radiothérapeute, chirurgien...). Puis le médecin annonce à son patient la maladie et les traitements envisagés, bureau fermé, téléphone coupé.

Juste après, ou dans les jours suivants, une infirmière reçoit le malade et reprend avec lui toutes les informations.

Ce dispositif n'est pas encore en place dans tous les hôpitaux. Mais d'ores et déjà, on assiste à un profond changement dans les pratiques. La communication passe mieux, à tous les niveaux.

« Avant d'aller voir un patient dans sa chambre, je demande l'avis de l'infirmière ou du psychologue. J'en apprends ainsi un peu plus sur lui. C’est important de savoir s'il culpabilise, s'il est au chômage... On ne se bat pas pareil lorsqu'on est un ingénieur soutenu par sa famille, que lorsqu'on est mère célibataire », souligne le Pr Marc Roux, chef du service d'hépato-gastro-entérologie et d'oncologie digestive - et fervent partisan de ce nouveau dispositif.

Medecin Avec Son Patient
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Les rapports de force changent

A priori, le schéma paternaliste appartient au passé. La figure impressionnante du praticien retranché derrière son grand bureau et son savoir médical, c'est fini.

« Avant, le médecin savait et décidait pour le malade, pour son bien. Mais, cette attitude n'est plus possible, et c'est tant mieux ! Aujourd'hui, on a une conception plus "égalitaire" où le patient est considéré comme un partenaire et doit être informé. C'est une bonne chose, mais... attention à ne pas aller trop loin. Certaines personnes tiennent à être prises en charge, dans une sorte de cocon thérapeutique », explique le Dr Meno.

Les malades du XXIeme siècle ont profondément changé. Ils sont surinformés par leur médecin ou par Internet. Mais sont-ils bien renseignés ? La loi du 4 mars 2002 fait du "consentement éclairé" du patient une véritable obligation. Pour tout acte médical technique, on vous fait signer un formulaire détaillant le traitement et ses risques.

En principe, ce document s'accompagner écrit doit d'explications orales. Mais, en réalité, cette étape est parfois négligée. Chez certains patients, le formulaire et sa liste d'effets secondaires ne font qu'alimenter leur angoisse ; pour certains médecins, c'est une façon de se couvrir en cas de problème.

« Beaucoup de gens ne lisent pas ces documents ou ne les comprennent pas. Il est plus juste de parler de consentement résigné », estime Sylvie Fainzang. Quant à Internet, certains médecins ne cachent pas leur agacement face à ce concurrent informatique qui les oblige à reformuler, à réexpliquer. Internet permet un accès facile à des informations générales, mais ces données ont peu d'intérêt au niveau individuel ».

Les médecins ne devraient pas avoir peur d'Internet. C'est l'opportunité d'engager la discussion et de rétablir une vérité qui s'adresse au patient et rien qu'à lui. »

Reste que le grand public a, d'un simple clic, accès à une foule d'informations concernant la santé, pas toujours validées scientifiquement et parfois carrément dangereuses…

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