Le déni, un premier barrage
Moi, alcoolique ? Jamais ! Quel est celui ou celle qui reconnaît avoir un penchant pour la bouteille ? Mais il faut savoir que si l'on a besoin tous les jours, à un moment de la journée, de son whisky sec ou de plusieurs verres de vin pour se sentir bien, il y a de fortes chances d'être "accro" !
Même si l'on ne roule pas sous la table, même si l'on ne boit jamais seul mais avec des amis ou lors de réunions, on est atteint. Cela devient tout doucement une habitude dont on ne peut plus se passer. En clair, on appelle ça l'alcoolisme mondain. Mais, de l'alcoolisme mondain à l'alcoolisme chronique, il n'y a qu'un pas qui peut être vite franchi.
Personne n'est alcoolique. Pourtant il y a des centaines de tués sur la route le samedi soir, au sortir d'une soirée, et des centaines de bagarres le week-end chaque année. Personne n'avoue boire plus qu'il ne faut au point d'avoir les mains tremblotantes, l'œil injecté, la bouche pâteuse au réveil et la parole hésitante.
Ça c'est le lot des alcooliques. Des vrais. Néanmoins, la vie sociale est faite de verres qui se succèdent, des pots au bureau aux cocktails professionnels, en passant par les dîners, sans compter les week-ends en famille ou entre copains où l'on boit par convivialité. C'est agréable, c'est chaleureux.
Bref, c'est la fête. Une fête "arrosée" complètement admise socialement, à la fois guillerette, tonique et anxiolytique. Car le danger de l'alcool est qu'il efface le stress dès le premier verre et procure une sensation de bien-être. Du même coup, on boit sans s'en rendre compte, de plus en plus souvent. Mais comment résister, on se sent si bien !
L’alcoolisme : de plus en plus jeune
Une étude récente menée par l'Inserm auprès d'un échantillon représentatif de jeunes de 11 à 19 ans révèle des chiffres préoccupants concernant la consommation d'alcool. Cette étude date de 2021, il est donc essentiel de rester vigilant et de promouvoir une consommation responsable chez les jeunes.
Selon l'étude, 17 % des jeunes ont expérimenté l'ivresse au moins une fois dans l'année et 5 % au moins trois fois ! 48 % des garçons et 37 % de filles consomment de l'alcool, dont 12 % et 5 % plusieurs fois par semaine.
Enfin, au hit-parade des boissons, on note une nette préférence pour la bière avec 44 %, suivie de près par les alcools forts avec 36 %. Le vin suit avec seulement 28 %, jugé moins branché ! Cette enquête révèle ainsi que ces jeunes démarrent tout naturellement au café après les cours.
On commence par goûter une gorgée à la chope du copain puis on y prend goût petit à petit et on passe au demi. Il y a aussi les soirées du samedi soir, souvent arrosées d'alcools "durs" comme le whisky et la vodka parce qu'ils apportent des sensations fortes et violentes, proches de la "défonce" du toxicomane au dire des médecins.
Résultat : En démarrant jeune, on peut facilement se retrouver dans le sale piège de la dépendance si l'on ne s'arrête pas.
L'alcoolisme mondain
L'alcoolisme mondain, c'est tout le contraire de l'intoxication alcoolique du samedi soir et de la gueule de bois du lendemain !
Bien plus insidieux, il s'installe au fil des ans sans que l'on s'en rende vraiment compte. Ça commence par l'apéritif que l'on prend entre copines pour se raconter ses chagrins d'amour, la bouteille de vin que l'on déguste à deux en dînant ; puis on passe au vin au déjeuner. Faites les comptes, on arrive vite entre 40 et 70 grammes d'alcool sans y prêter vraiment attention parce que l'on n'est jamais ivre.
D'où le danger, car en plus on se sent bien. Alors pourquoi se priver d'un moment de détente ? On boit quand on rentre du bureau pour faire le vide et effacer la fatigue, en faisant la cuisine pour se détendre, on boit conjugalement autour d'un bon repas pour faire honneur à la "cuisinière".
Et l'on s'habitue à ce bien-être avant d'éteindre les lumières, pour recommencer le lendemain. Cela devient une habitude dont on ne peut plus se passer. Voilà le danger, car la consommation régulière n'a pas besoin d'être excessive pour faire de vous un alcoolique chronique.
Bref, lorsque cela devient quotidien, il faut alors sérieusement faire les comptes sur la quantité d'alcool ingurgitée en une journée et commencer à se poser des questions.
Un problème pas seulement masculin !
Il y a à peine cinquante ans, l'alcool social était réservé aux hommes. Les femmes se contentaient de boire un porto du bout des lèvres et touchaient à peine au vin pendant le repas. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
Les médecins sont unanimes, ils constatent les dégâts sur des femmes de plus en plus jeunes. Certains chiffres annoncent cinq cent mille à un million de femmes alcooliques en France. Elles seraient même de plus en plus nombreuses à s'adonner à l'alcool, et le taux de mortalité féminine pour cause d'alcool a triplé depuis une bonne dizaine d'années.
Quant aux grandes alcooliques, très imbibées dès le matin, elles seraient près de 10 000. Des chiffres qui sont donnés par les consultations d'alcoologie, de gastro-entérologie ou de psychiatrie des services hospitaliers.
La sonnette d'alarme
Inutile de s'inquiéter si l'on se contente d'un apéritif et que l'on dîne à l'eau ensuite ou si l'on boit de temps à autre un verre de vin avec un bon repas. Par contre, on abuse quand on a besoin d'alcool tous les jours pour pouvoir bien fonctionner.
Que l'on n'arrive pas à diminuer ou à arrêter quand on sait qu'il faudrait le faire pendant une période donnée. Que l'on devient agressif dès les premiers verres avec l'impossibilité de se contrôler. Que l'on a régulièrement des pannes d'oreiller pour cause de "gueule de bois", que l'on entasse des dossiers ou des factures dans un tiroir.
En clair, que l'on devient incapable d'assumer régulièrement et correctement ses responsabilités sociales, professionnelles et familiales. A ce stade, il faut regarder la situation en face : on commence à être un alcoolique chronique. Le mieux est de consulter un médecin. Plus on se reprend vite en main et plus les chances de s'en sortir sont grandes.
Les dégâts insidieux de l’alcoolisme
L'abus d'alcool provoque de lourds dégâts sur la santé. L'alcool absorbé est rapidement dégradé par l'ADH (alcool-déshydrogénase), une enzyme qui, dans le foie, transforme l'alcool en acétaldéhyde. Cette substance toxique est elle-même transformée en acétate qui rejoint dans la cellule le métabolisme des graisses. Mais l'ADH a ses limites, le corps n'en produisant qu'en petites quantités. Ainsi, l'organisme est capable d'oxyder de 5 à 10 ml d'alcool pur par heure chez un homme et moins chez une femme. (1 1 de vin à 120 = 12 ml d'alcool pur.)
De plus, une autre enzyme, la catalase, intervient aussi en brûlant l'alcool très vite. C'est pour cela que ceux qui boivent régulièrement des doses importantes ne sont jamais ivres. Mais cette enzyme a le défaut d'oxyder et de détruire en même temps les noyaux des cellules du foie et du pancréas.
Voilà comment on se détruit à petit feu. Ce mécanisme peut, en effet, durer des années sans aucune manifestation mais le métabolisme de dégradation de l'alcool continue sa trajectoire à travers le foie. Les cellules se gorgent de graisses jour après jour, et l'on se retrouve, des années plus tard, avec une hépatite, voire une cirrhose ou une pancréatite calcifiante.
Mais, sans en arriver là, il existe d'autres signes annonciateurs tels que l'état des gencives. La plupart des parodontistes constatent chez les gens qui boivent un état des gencives désastreux avec gingivite chronique, saignement, décollements et poches gingivales. A cela s'ajoute un manque de protéines et de vitamines du groupe B car l'alcoolique se nourrit mal.
Résultat : Des pertes de mémoire, un manque de tonus, des insomnies, des crampes, une mauvaise humeur et des douleurs dans les jambes.
Faire un bilan
Avant d'en arriver à l'alcoolisme chronique, il est indispensable de consulter un médecin et de faire un bilan. Un simple examen sanguin permet de faire le dosage des gamma-GT (gamma glutamyl transpeptidase), une enzyme qui intervient dans le métabolisme des acides aminés, laquelle est perturbée lorsqu'on boit trop.
Un taux normal affiche 37 U.I./l pour les hommes et 32 U.I./l pour les femmes. Dès que l'on dépasse légèrement ces chiffres, il convient de changer de régime, par contre si l'on atteint 40 ou 50 U.I./l, il faut s'arrêter tout de suite, se mettre à l'eau et se faire aider psychologiquement et médicalement pour éviter le pire...
Dépendance avec cure de sevrage et tout ce que cela comporte : tremblote, mal au cœur lorsqu'on est en manque, tachycardie, crise d'angoisse, transpiration excessive, irritabilité, etc. Bref, un schéma classique dès qu'on ne boit plus ou pas suffisamment.
À lire aussi : L'alcoolisme : c'est d’abord et avant tout une maladie !