Pourquoi travaille-t-on de nuit ?
Plus de 6,5 millions de personnes travailleraient la nuit, soit un quart de la population active !
En cause : les besoins accrus de l'industrie, ceux des consommateurs, les nécessités de certaines activités (celles touchant à la santé, la sécurité...). Et une législation plus libérale qu'autrefois sur le sujet. Pourtant, tous les spécialistes savent que le travail "posté", qu'il ait lieu la nuit, tôt le matin ou tard le soir, est nuisible pour le sommeil, le système digestif et l'équilibre social et familial. Tous ces éléments ayant des conséquences les uns sur les autres.
Mais le travail de nuit n'est pas toujours mal vécu. Carole Besson se rappelle du temps où elle était infirmière de nuit : « Je travaillais de 23 heures à 7 heures. Je dormais de 8 heures à 16 heures, je pouvais emmener mes enfants en classe et aller les chercher. L'ambiance de nuit est particulière, on se tient les coudes, il y a moins de hiérarchie ; on est plus disponible.»
La lumière agit sur horloge biologique
Pour bien dormir, on a besoin de silence, d'une température basse et d'obscurité. Or, dans la journée, le bruit vient interrompre le sommeil ; la température, plus élevée, n'est pas propice au sommeil ; enfin, la lumière agit sur l'horloge biologique, mécanisme interne qui règle les rythmes de l'organisme. Cette horloge a une messagère : la glande pinéale, qui sécrète une hormone, la mélatonine, aux effets sédatifs.
Cette sécrétion diminue sous l'effet de la lumière, ce qui va avoir un effet dynamisant sur l'organisme. Si l'on se couche au petit matin, il faut éviter les lumières trop fortes.
Surtout, le sommeil a besoin de régularité. Or, le travail "posté" est souvent irrégulier. Beaucoup de salariés, par exemple, font les trois-huit : une semaine de 5 heures à 13 heures, une autre de 13 heures à 21 heures, une troisième de 21 heures à 5 heures. A peine l'organisme a-t-il eu le temps de s'habituer à un horaire qu'il doit se réadapter à un nouveau rythme.
Pas facile de dormir quand les autres sont réveillés
Certaines entreprises n'ont pas la possibilité d'assurer à leurs salariés des horaires réguliers, comme les compagnies aériennes. De plus, les horaires du matin sont beaucoup plus fatigants pour la plupart des travailleurs. Ils obligent à se lever en pleine nuit, à 3 heures ou 4 heures du matin, voire plus tôt, au moment où le sommeil est le plus profond.
En revanche, ils laissent l'après-midi libre, ce qui permet de faire la sieste et de mener d'autres activités. Alors que les horaires du soir (13 heures - 21 heures, par exemple), s'ils laissent moins de temps libre, car ceux qui le pratiquent se lèvent assez tard, sont relativement mieux tolérés par l'organisme.
Par ailleurs, dormir au moment où les autres sont éveillés peut avoir des conséquences sociales et familiales : ne pas voir son conjoint, ses enfants, ne pas avoir des relations suivies avec ses amis...
Enfin, il y a le week-end. Le travailleur décalé en profitera pour récupérer, en partie, des fatigues de la semaine, et pour voir sa famille. Inévitablement, il rompra avec les horaires des jours précédents.
La désorganisation du sommeil provoque également des troubles du système digestif. Les différents rythmes "circadiens" (rythmes biologiques sur 24 heures) sont synchronisés entre eux : si l'un se casse, tous les autres s'en ressentent. En l'occurrence, sous l'effet d'une moindre sécrétion des sucs digestifs, la digestion se déroule moins bien, le transit intestinal également. Les gens se sentent souvent ballonnés. Ils peuvent développer des ulcères, ou souffrir de troubles fonctionnels intestinaux.
Les femmes récupèrent moins bien que les hommes
Les effets sur la santé varient avec les individus, certains étant "du matin", d'autres "du soir". A priori, les seconds sont mieux faits pour le travail de nuit que les premiers. L'âge a également son importance : plus on vieillit, moins l'horloge biologique est souple. Et plus on mettra de temps à récupérer le manque de sommeil.
Enfin, les hommes et les femmes ne supportent pas le manque de sommeil de la même façon. La femme a un sommeil plus léger, notamment parce que sa température, liée aux cycles féminins, est plus irrégulière. Ce n'est pas le travail de nuit qui peut arranger les choses.
Malgré ses avantages, financiers notamment puisqu'il est mieux rémunéré, le travail de nuit a une influence incontestable sur la santé. Il vaudrait mieux que ceux qui s'y engagent soient informés des risques qu'ils encourent. Sur ce plan, certaines entreprises ont encore des progrès à faire.