Je suis narcoleptique : comment apprendre à vivre avec ?

femme somnolente dans sa cuisine
À 28 ans, Franck Bouyer apprend qu’il est atteint de narcolepsie. Un cataclysme pour ce champion de vélo, vainqueur de la Coupe de France. Quatre ans après, prêt à tout pour franchir la ligne, il se bat pour mener une vie « normale » de grand sportif.

La narcolepsie : une maladie peu connue

S'endormir n'importe où, n'importe quand, peut engendrer la moquerie voire l'incompréhension. Pourtant, la narcolepsie est une véritable maladie. Ces accès de sommeil irrépressibles restent méconnus alors que ce handicap est aussi fréquent que la maladie de Parkinson ou la mucoviscidose.

Le manque d'information est tel que 30 000 à 50 000 personnes ignorent en souffrir. À cet égard, l'histoire de Franck Bouyer, coureur cycliste professionnel, est exemplaire. Il se bat au quotidien pour vivre "normalement" malgré la maladie et les conséquences sur sa vie familiale, sociale, mais aussi professionnelle.

La narcolepsie est incurable et il n'y a pas de traitement

Les premiers signes de la narcolepsie sont apparus au mois d'août 2002. « J'avais tout juste 28 ans, et je venais de gagner la Coupe de France. J'avais toute la vie devant moi et je vivais pour ma passion. C'était la fin de la saison de cyclisme. Le soir, à l'hôtel, impossible de lutter contre le sommeil : je m'endors à 21 heures devant la télé. J'étais loin de m'imaginer ce qui était en train de se tramer », se souvient Franck. Le sportif tente alors de se rassurer en mettant cela sur le compte d'une saison harassante.

Septembre : la naissance de son fils Matéo. Les endormissements empirent, même pendant la journée. « Là encore, je mets cela sur le compte des mauvaises nuits liées aux premières semaines de mon fils. L'hiver est catastrophique. Je m'endors partout. Je ne veux plus voir personne, car j'ai l'angoisse de devoir lutter contre le sommeil. Une vraie souffrance », raconte Franck.

Franck veut comprendre ce qui lui arrive. Il fait le tour des spécialistes. « On m'a donné des vitamines, puis évoqué d'éventuelles apnées du sommeil. Rien n'y faisait. Janvier 2003, je me rends chez un spécialiste des maladies du sommeil, et là, après un interrogatoire, le diagnostic tombe : je souffre de narcolepsie ! Je regarde ma femme et je souris, soulagé que l'on ait trouvé de quoi je souffrais. Dix secondes plus tard, je déchante. C'est une maladie incurable et il n'y a pas de traitement », se rappelle le coureur cycliste, pour qui cette nouvelle est un coup de massue.

« Non, je ne voulais pas y croire, pas à 28 ans, c'était trop injuste. Je suis allé frapper aux portes des cabinets paramédicaux. Je serais allé jusqu'à croire un marabout, je m'accrochais à chaque espoir. Mais j'ai dû m'y résoudre et accepter le fait d'être narcoleptique... », regrette le champion de vélo.

Ces accès irrépressibles de sommeil peuvent survenir plusieurs fois par jour et durer de 2 à 30 minutes. Ces endormissements inattendus restaurent une vigilance normale pour quelques heures.

Le narcoleptique s'endort brusquement en mangeant, au volant, pendant une conversation. L'activité en cours peut se poursuivre sous forme de comportements automatiques : paroles inadaptées à la conversation, rinçages répétés de la vaisselle propre, conduite automobile vers une direction imprévue..

Comme tous les narcoleptiques, Franck n'aime pas les boutades sur le fait qu'il est en train de s'endormir alors qu'il met tant d'énergie à lutter contre le sommeil. « Certes, ces accès de somnolence sont durs à vivre, mais le plus difficile reste la cataplexie », reconnaît Franck Bouyer.

Pendant quelques secondes, on se sent comme paralysé, impossible de bouger ou de parler

La cataplexie accompagne dans sa forme complète la narcolepsie. Il s'agit d'un brusque relâchement du tonus musculaire sans altération de la conscience. A l'occasion d'un éclat de rire, d'une surprise, d'une émotion, d'une porte qui claque, les joues deviennent flasques, les jambes se dérobent, parfois jusqu'à la chute.

« Pendant quelques secondes, on se sent comme paralysé, impossible de bouger ou de parler, explique Franck. C'est très pénible, car il n'y a aucune perte de conscience, je suis comme emmuré en moi-même. La cataplexie est très choquante pour l'entourage. Le seul moyen est de prendre le dessus sur l'émotion à l'origine de cette crise. »

La durée des attaques est variable, de quelques secondes à quelques minutes. Pareil pour la fréquence, pouvant aller d'une seule attaque dans toute la vie à plusieurs par jour.

Autre difficulté à vivre : les hallucinations qui accompagnent la narcolepsie. Elles apparaissent à l'endormissement. « C'est une expérience très bizarre, où l'on a l'impression de vivre un rêve éveillé. Le plus souvent, je vois des cambrioleurs pénétrer dans ma maison. Je me force à sortir de cette première phase de sommeil pour m 'échapper de ce cauchemar. Je sais qu'il n'y a personne, mais c'est plus fort que moi. »

Franck a dû accepter et adapter sa vie à cette contrainte : admettre que sa femme conduise sur de longs trajets en voiture se plier aux siestes avant des réunions familiales, vivre avec l'angoisse de faire une crise de cataplexie... Mais abandonner le vélo, il n'a jamais voulu s'y résoudre.

C'est même le contraire ! « Je veux crier haut et fort que l'on peut mener une carrière de haut niveau malgré la maladie. Nous sommes des personnes comme les autres. L'équipe cycliste Bouygues, dont je fais partrie, a été exemplaire. Elle ne m'a pas laissé tomber », poursuit Franck.

Pourtant, cette histoire est paradoxale d'un côté, la Fédération française de cyclisme ne l'autorise pas à courir sans le médicament qu'il doit prendre pour améliorer sa qualité de vie ; de l'autre, les instances internationales lui interdisent de courir avec ce médicament, alors qu'il n'a pas d'effet sur la performance !

« Avec mes avocats, je vais de procédure en procédure. Cela me met en colère car, avec le vélo, je me sens comme tout le monde et on me rappelle sans cesse que je suis malade », s'indigne Franck. un phénomène que le cycliste hors cadre ne semble pas prêt à accepter.

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