L'évolution de la dentition au fil des années
Siècle après siècle, la taille de la bouche de nos enfants n'a cessé de diminuer, alors que le nombre de dents, lui, n'a pas changé. D’où la nécessité, pour une grande majorité de jeunes, de porter un appareil orthodontique. Souci qui n'existait pas avant. Quelles sont les raisons de ces modifications ?
Le changement de nos habitudes alimentaires n'y est pas pour rien. Il est vrai que nous ne déchiquetons plus la viande à pleines dents mais que nous la coupons en morceaux à l'aide d’une fourchette et d'un couteau, que nous cuisons nos aliments… peut-être trop d'ailleurs. Découvrons ce qu'il faut faire pour améliorer les mâchoires de nos petits.
Préférez le sein au biberon
Les bienfaits du lait maternel sur le renforcement des défenses immunitaires du nouveau-né, sur son rôle dans la digestion et dans la prévention de certains problèmes intestinaux ne sont plus à démontrer. Mais sait-on que l'allaitement a d'autres atouts ? Effectivement, « il participe au développement de la mâchoire du nourrisson qui est toute petite à la naissance et qui grandit plus particulièrement au cours de la première année. D’où l'importance de la stimuler », précise le Pr Marceau.
Et d'ajouter : « Téter le sein de sa mère pour se nourrir demande au tout-petit un gros effort, car le sein est ferme et la succion difficile. Il est obligé de jeter sa mâchoire en avant, ce qui participe à sa stimulation. La tétine en caoutchouc d'un biberon est molle, et le débit du lait plus rapide. Elle requiert donc nettement moins d'effort. » Lorsque les bébés s'endorment sur le sein de leur maman, ce n'est donc pas seulement parce qu'ils sont repus, mais aussi parce qu'ils sont fatigués d'avoir fait travailler leur mâchoire.
Faites mastiquer votre enfant pour des dents bien alignées
Entre quatre et six mois, le lait n'est plus le seul aliment absorbé par le tout-petit. Il va découvrir la saveur des fruits, des légumes, puis de la viande et du poisson. La diversité des aliments infantiles proposée sur le marché n'incite guère les mamans à cuisiner pour leur enfant. Or, ces plats tout-prêts ont, pour la plupart, une consistance très lisse qui ne nécessite pratiquement aucun travail de mastication. Si cette texture convient au début, elle n'est plus adaptée lorsque l’enfant grandit.
Dès que bébé a ses molaires de lait (entre dix et dix-huit mois environ), abandonnez les préparations liquides et apprenez-lui à mâcher. Pour cela, concoctez-lui des purées-maison écrasées à la fourchette et non mixées. Accompagnez-les de viande ou de poisson coupés en tout petits morceaux. Au dessert, proposez-lui des fruits pochés écrasés à la fourchette, ou frais mais coupés en petits morceaux.
Ce type de repas oblige votre enfant à mastiquer, une action qui demande un important travail musculaire. La mâchoire est donc stimulée et a ainsi une meilleure croissance.
À l'âge de trois ans, toutes ses dents de lait auront poussé, les secondes molaires apparaissant entre l’âge de vingt et trente mois. Votre enfant pourra donc s'alimenter entièrement comme vous. N’hésitez pas à lui faire manger des légumes al dente ou crus, à lui donner une tranche de rôti plutôt qu'un steak haché.
Pour son goûter, à la sortie de l’école, faites-lui redécouvrir le plaisir de croquer dans un morceau de pain frais dans lequel vous aurez glissé une tablette de chocolat individuelle ou dans une pomme, plutôt que de lui proposer systématiquement une viennoiserie molle.
« Ces simples et bonnes conduites alimentaires peuvent éventuellement diminuer l'encombrement et le mauvais positionnement des dents », précise le Pr Marceau.
Rééduquez la langue de votre enfant
L'alimentation n'est pas la seule à influencer la croissance de la mâchoire du tout-petit. Sa langue est un muscle comportant lui-même dix-sept muscles. Elle peut être à l'origine de dégâts importants si elle se positionne mal, si son frein est trop long ou alors trop court, car elle modèle en grande partie l'ensemble de la cavité buccale.
A la naissance, la langue est basse. Puis elle se redresse afin de constituer, avec la lèvre inférieure et les joues, un tunnel pour que le lait coule dans la gorge. Lorsque les dents apparaissent (à partir de l'âge de cinq à sept mois pour les incisives médianes), la langue monte encore plus et permet au palais de se développer.
Chez certains enfants, la langue est peu mobile et conserve sa position basse, une situation qui entraine des répercussions néfastes. La langue pousse sur la mâchoire et sur les dents du bas, provoquant une béance avec l'arcade supérieure, dents du haut et du bas ne se rejoignant pas.
Ce peu de mobilité de la langue provient souvent de son frein, trop court. Jusqu'aux années 1950, de nombreuses sages-femmes avaient coutume, à la naissance, de couper systématiquement le frein de la langue des nouveau-nés en l'abaissant à l'aide d'une petite cuillère.
Aujourd’hui, ces pratiques ne se font plus. Il revient donc au pédiatre de surveiller le développement harmonieux de la langue. "Pour cela, il lui suffit de réaliser un simple test. Il consiste à demander à son jeune patient d'ouvrir sa bouche d'environ quatre centimètres et de lui faire placer la pointe de sa langue sur son palais. Quand cette opération est impossible, il est nécessaire de rééduquer le frein."
Il existe trois solutions :
- La kinésithérapie consiste à rééduquer le frein de la langue en lui faisant faire des exercices de gymnastique. Le traitement peut être démarré vers trois ans et demi. Il dure environ deux mois à raison d'une séance par semaine, sans oublier les exercices quotidiens à réaliser à la maison : faire claquer sa langue, mettre plusieurs fois de suite le bout de la langue sur le palais en ouvrant la bouche en grand, etc.
- L’enveloppe linguale est un traitement qui peut être mis en place vers quatre ans. Cette "coquille" se place sur la langue et se porte principalement la nuit, plus quelques minutes dans la journée. Son but : que l'enfant sente que sa langue est contenue afin qu'il puisse la décrocher de ses joues et de ses lèvres.
- Le recours à la chirurgie est parfois nécessaire, le frein de la langue étant vraiment trop court chez certains enfants. Il est alors coupé (frénectomie) sous anesthésie locale dans le cabinet du médecin O.R.L. Il cicatrise en une semaine. Après cette mini-intervention, une rééducation orthophonique est nécessaire afin que l'enfant apprenne à se servir musculairement de sa langue.
Votre enfant "zézaie", attention à ses dents !
Lors de l'apprentissage de la parole, de nombreux enfants ont de petites difficultés à prononcer correctement les phonèmes que l'on appelle sifflantes "ch" et "j". Quand ils parlent, certains ont tendance à avoir un "cheveu sur la langue". Ce léger trouble disparaît, en général, lorsque l'enfant s'exprime correctement, vers cinq ans environ. Quand il persiste, une rééducation orthophonique s'avère nécessaire afin de soigner le mauvais positionnement de la langue dans la bouche.
« Malheureusement, beaucoup de parents trouvent ce trouble du langage mignon et tardent à consulter. Or, cela devient néfaste quand la langue appuie sur les dents du dessus, car elles partent vers l'avant. »
Quel que soit le problème rencontré au départ, il est très important que celui-ci soit traité avant que l'enfant ait sa denture définitive afin que la langue puisse jouer son rôle sur le bon positionnement des dents d'adulte.
En mettant tout en œuvre pour développer au mieux leur mâchoire, les plus chanceux échapperont à l'orthodontie à la pré-adolescence. Quant à ceux qui devront quand même suivre un traitement, ce dernier sera plus léger et plus court. Ce sera toujours ça de gagné...
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