Le profil des jeunes mamans
Contrairement à ce que l'on pense souvent, être enceinte à 15 ans, cela n'arrive pas que dans les milieux défavorisés. Pourtant, quelle que soit la situation sociale, « ce n'est pas le moment, ni dans le corps ni dans la tête », prévient le Pr Faron qui a mené une étude sur la grossesse des adolescentes à la demande de la Direction générale de la santé.
Pour les gynécologues-obstétriciens, une grossesse à 15 ans est différente d'une grossesse à 19 ans. A la fois pour la maman, pour le bébé, mais également pour l'équipe médicale.
Une adolescente de 13 ou 15 ans est toujours une enfant. D'un point de vue médical, la situation est différente quand la grossesse précoce est « culturelle ». C’est le cas, par exemple, dans certaines communautés africaines ou gitanes où il n'est pas rare de voir de très jeunes filles enceintes débuter précocement une vie familiale.
Dans ce cas, la grossesse est en général acceptée par la famille et surveillée médicalement. Elle n'est donc guère plus à risque que celle de l'ensemble des femmes. Ces jeunes filles ne peuvent donc pas être comparées à d'autres, beaucoup plus isolées.
Tout faire pour éviter le rejet de l'enfant, voire la maltraitance
Il existe d'autres profils d'adolescentes enceintes à 15 ans qui posent de vrais problèmes médicaux, psychologiques et sociaux.
Certaines jeunes filles peuvent désirer un enfant parce que tout va mal dans leur vie : à l'école, à la maison... quand elles n'ont pas été mises à la porte de chez elles. Elles pensent qu'être mères va leur donner un statut. Parfois, un copain les soutient et les accompagne dans ce projet.
Chez ces adolescentes, le diagnostic est souvent posé entre trois et six mois de grossesse. « Dans ce cas, on peut les aider, souligne le Pr Faron. L'équipe va plus ou moins parvenir, grâce à une prise en charge psychologique, à soutenir la jeune fille pour qu'elle mène à bien le travail de maturation de la grossesse. Notre rôle est de l'amener à accueillir son enfant afin de prévenir un éventuel rejet, voire des maltraitances. Ce temps de réflexion lui permet aussi, parfois, de se réconcilier avec son entourage. »
Les choses vont être beaucoup plus difficiles chez des jeunes filles coupées de tout environnement scolaire, professionnel et familial. Ces adolescentes livrées à elles-mêmes ont souvent un comportement à risque : elles peuvent boire, fumer, se droguer. Elles ont même quelquefois fait une tentative de suicide. En fait, en "tombant" enceintes, elles expriment leur difficulté de vivre. La plupart d'entre elles ne sont pas suivies médicalement.
Elles continuent à vivre comme si elles n'attendaient pas de bébé, et certaines arrivent pour la première fois à la maternité prêtes à accoucher.
Ces jeunes filles nient souvent leur grossesse
En réalité, ce n'est pas seulement l'âge et le comportement des jeunes filles qui représentent un risque pour elles et leur enfant, selon les gynécologues-obstétriciens. C'est, avant tout, le fait que la grossesse ne soit pas suivie ou soit mal suivie.
On retrouve, de manière quasi constante, un déni de la grossesse. De ce fait, elles continuent à avoir les mêmes activités et ont parfois une mauvaise alimentation.
Certaines prennent plus de vingt kilos en neuf mois, d'où une fréquence accrue des risques d'hypertension artérielle, de diabète gestationnel et de naissances d'enfants pesant plus de quatre kilos. Ces jeunes mères nécessitent une prise en charge spécifique les jours suivant l'accouchement, donc une hospitalisation plus longue. Une contrainte qu'elles acceptent d'ailleurs assez mal.
Après l'accouchement, elles n'ont qu'une envie : se sauver de la maternité pour aller montrer leur bébé à leurs copines... Par la suite, la situation s'arrange bien souvent. Dans le service du Pr Faron, où des centaines d’adolescentes ont été suivies, neuf d'entre elles ont accouché sous X, ce chiffre n'étant pas supérieur à celui de la population générale.
Les adolescentes devenues enceintes pour obtenir une reconnaissance sociale deviennent de vraies mamans dès le jour de la naissance ou quelques mois après, comme toutes les femmes. Ces mères donnent même souvent tout à leur enfant et le maternent énormément. Le problème essentiel reste l'arrêt de la scolarité, pour la majorité d'entre elles, tant il est difficile de tout concilier.
La France manque, en effet, de structures de transition type maisons maternelles ou appartements "thérapeutiques". Ces jeunes mamans pourraient y vivre entourées par des sages-femmes, des puéricultrices, des psychologues, des assistantes sociales pour les aider à prendre leur indépendance et à aller de l'avant.
Que faire, par ailleurs, pour éviter à ces toutes jeunes filles des grossesses trop précoces et mal vécues qui représentent 2 % des naissances ? Informer sur la sexualité et la contraception. Ces informations sont prévues dans les textes de l'Éducation nationale à partir de la 4e, où les thèmes de la reproduction et de la contraception doivent être débattus pendant deux heures de cours.
La famille a un rôle essentiel à jouer
Néanmoins, il ne faut pas oublier que les premiers à devoir jouer un rôle d'éducation sont les parents. Ce sont eux qui, au cours de la vie de l'enfant, lui enseignent petit à petit, au moment opportun, les règles de vie et fixent ses limites. Notamment à l'âge des premiers amours où l'enfant, en quête d'identité et mal dans son corps, peut vouloir franchir trop vite des barrières sans penser aux conséquences.
Mais le dialogue parent-enfant est parfois difficile à l'adolescence. Ainsi, de très jeunes filles peuvent se trouver dans des situations qu'elles n'ont pas choisies et que leurs parents ignorent ou ont du mal comprendre. Or, peu de structures d'accueil et d'écoute sont prévues. Seules des infirmières scolaires et des consultations hospitalières tentent d'aider ces jeunes. C'est désolant car lorsqu'on est enceinte à 15 ans, on est encore une enfant et on a plus que jamais besoin d'aide et de réconfort.