Jumeaux, triplés : comment les élever ?

Jumelles
Avoir des jumeaux ou des triplés, c’est moins exceptionnel qu’avant. Mais élever des enfants du même âge reste une vraie aventure familiale ! Des parents témoignent.

A quoi s’attendre ?

"Ce sont des vrais ou des faux jumeaux ?", "Comment vais-je réussir à m'occuper de trois bébés ?"... Qu'il s'agisse de jumeaux ou de triplés, dès l'annonce de l'heureux événement, les futurs parents se posent de nombreuses questions. Ils se projettent davantage dans l'avenir que les personnes qui attendent un enfant unique. Des interrogations auxquelles se mêlent des inquiétudes sur l'état de santé des bébés, qui naissent souvent prématurés.

Après la maternité, le retour à la maison n'est pas de tout repos ! Nuits blanches, biberons à la chaîne... difficile pour les mamans, déjà fatiguées par leur grossesse, de ne pas se sentir épuisées. Sans compter que l'appartement ou la voiture deviennent trop petits et que tout doit être acheté en plusieurs exemplaires. Des problèmes pratiques et financiers qui bouleversent le quotidien de la famille.

Pour ne pas "craquer", il est important que les parents se fassent aider. Mais certaines mères, qui ont eu des difficultés à avoir des enfants, perçoivent la maternité comme un défi à relever. Or, elles doivent accepter leurs limites : recevoir de l'aide ne fait pas pour autant d'elles de mauvaises mères.

Une course contre la montre

Même si les mamans sont soutenues par leur conjoint, leur famille, et ont droit à des aides à domicile, elles sont débordées et ont l'impression de ne pas consacrer assez de temps à chaque bébé, ce qui les culpabilise. Elles ressentent un décalage entre la réalité et ce qu'elles avaient imaginé pendant la grossesse.

Par la suite, les mères peuvent davantage jouer leur rôle d'éducatrices et profiter des instants passés avec les enfants. « Au début, j'ai paniqué ! se souvient Angèle, 44 ans, mère de Malo, Enzo et Hugo, 8 ans, Lucas, 20 ans, et Justine, 24 ans. Puis j'ai appris à m'organiser pour partager des moments agréables avec les enfants, en les promenant par exemple. »

Mais les mères peuvent se sentir isolées, d'autant qu'elles arrêtent souvent de travailler. « Depuis que les enfants vont à l'école, j'ai plus de temps libre pour penser à moi. Je me suis engagée dans le milieu associatif et j'envisage de retravailler à temps partiel. Mais, les premières années, j'avais l'impression de vivre dans un monde à part », témoigne Adeline, 42 ans, mère de Leopold, Nicolas et Violette, 10 ans.

Le couple peut alors être mis à rude épreuve. « Il faut réussir à garder un équilibre et à se retrouver, mais ce n'est pas facile car on est focalisés sur les enfants », ajoute Benoit, 42 ans, l'époux d’Adeline.

"Mes filles ne sont pas des copies"

Dans l'entourage, jumeaux et triplés suscitent une curiosité pesante pour les parents. « Tout le monde venait à la maison pour "voir les jumeaux" à leur naissance, mais des inconnus m'arrêtaient aussi dans la rue pour les dévisager et me poser des questions », raconte Aline, 35 ans, mère de Paul et Antoine, 4 ans, et de Lili, 7 ans. « Il était très difficile de passer inaperçu avec une poussette pour triplés ! » s'exclame Victor, qui n'arrive pas à se défaire de l'étiquette "père de triplés"

Entre l'idéalisation ("C'est magnifique") et la plainte ("Comment faites-vous ?"), ces réactions renvoient toujours les parents à une situation hors-norme.

En particulier la ressemblance des "vrais jumeaux”, au point qu'on les confonde.  Évoquant un idéal de complémentarité et d'entente parfaite, elle provoque la fascination.

Au-delà de cette fascination, pour les parents, l'enjeu est de respecter le lien qui unit leurs enfants tout en leur permettant de s'ouvrir vers l'extérieur. Les jumeaux sont "des couples excessifs” le risque étant que les enfants "s'auto-suffisent" et se replient sur eux-mêmes. Mais ce n'est pas une fatalité : les parents ont un rôle important à jouer pour les encourager à devenir autonomes et développer leur propre personnalité.

Ils sont tout d'abord fiers de pouvoir les distinguer facilement, même s'il s'agit de "vrais" jumeaux : l'un sera plus mince que l'autre ; il y aura l'aîné, plus mûr, et le cadet ; ou la différence se fera selon l'ordre de naissance.

Enfin, s'il existe encore des jumeaux habillés de la même manière de la tête aux pieds, beaucoup de parents souhaitent aujourd'hui "différencier" leurs enfants.  Ils sont attentifs à certains détails : leur préparer chacun un gâteau d'anniversaire, ne pas leur offrir les mêmes jouets. « Je n'appelle pas Paul et Antoine "les jumeaux" car, pour moi, ils ne forment pas un collectif, et je ne veux pas que leur sœur se sente exclue », souligne Aline.

Quant aux triplés, si les relations "deux et un" sont plus mobiles, les parents craignent aussi que les enfants s'enferment dans le trio. « Avant, les garçons jouaient ensemble sans même voir les autres enfants, se rappelle Angèle. Ils sont devenus plus sociables en allant à l'école. »

Triplés
© istock

Construire une relation avec chaque enfant

L'entrée à l'école soulève toujours cette question : faut-il mettre les enfants dans la même classe ? S'il est admis qu'une séparation permet de favoriser leur autonomie, il faut aussi respecter leur rythme, car un changement brutal peut être mal vécu par toute la famille.

« Cette année, nos filles ont été séparées à la maternelle sans qu'on ait eu le temps de les préparer, témoigne Victor. Du coup, à la maison, elles ont une relation beaucoup plus fusionnelle qu'avant. » Quant à Aline, elle estime que ses fils pourraient être dans la même classe : « Les instituteurs sont influencés par le cliché des jumeaux inséparables et veulent éviter cela, mais il faudrait davantage faire confiance aux parents. »

Il faut faire attention à ne pas séparer "artificiellement" les enfants. Par exemple, le fait de les habiller différemment doit avoir un sens pour les parents, et ne pas être qu'une recette. Il est surtout important de construire une relation individuelle avec chaque enfant.

En passant des moments en tête-à-tête avec lui, les parents peuvent être plus à son écoute et nouer un lien particulier. Les enfants Peuvent être demandeurs de ces instants privilégiés.

Veiller à l'équilibre des relations dans la fratrie

Cette relation individuelle va s'établir progressivement. Au début, les parents ont tendance à tout faire pareil pour les enfants, par peur que l'un d'eux se sente moins aimé. Puis on se rend compte qu'ils ont des caractères différents et qu'il faut s'adapter à leur personnalité et à leurs goûts.

Autre souci des parents, les relations au sein de la fratrie. Une distribution des rôles s'opère dans le couple de jumeaux et que l'un a généralement tendance à dominer l'autre. Il faut alors veiller à ce que les rapports ne se figent pas, avec une emprise trop importante d'un enfant sur l'autre...

« Kenza a tendance à commander Leïla, car elle a un caractère plus fort. On est vigilants, mais on veut aussi les laisser vivre et respecter leur personnalité », explique Azzedine.

Pour que la complicité et l'émulation entre frères et sœurs ne se transforment pas en rivalité, il faut trouver un équilibre dans leur éducation, mais c'est délicat !

À l'adolescence, le besoin de s'affirmer peut créer des tensions. « Au collège, Clara et Jade ne supportaient pas que les autres élèves les comparent sans cesse, raconte Hélène. C'était très pesant, surtout pour Clara qui a voulu prendre de la distance avec sa sœur. Aujourd'hui, elle est soulagée d'être dans un autre lycée qu'elle. Quant à Jade, elle a du mal à voir Clara se détacher d'elle. Malgré tout, elles restent très complices : quand l'une ne va pas bien, l'autre le sent et lui remonte le moral ; elles ont besoin de tout se raconter ».

A condition de ne pas être étouffantes, les relations entre les jumeaux ou les triplés sont très enrichissantes.  C'est une chance pour eux de pouvoir jouer ensemble et de ne jamais s'ennuyer. D'autant que, malgré d'inévitables disputes, ils sont souvent très solidaires. Pour les parents, il n'est pas toujours facile de se faire entendre face à une telle complicité. « Si on gronde une de nos filles, sa sœur va tout de suite la consoler et prendre sa défense », souligne Azzedine. Et quand un enfant réclame quelque chose, les autres s'empressent de le suivre. Il faut vite poser des limites. C'est compliqué et très fatigant d'élever trois enfants du même âge, mais quelle récompense de les voir s'amuser et rire ensemble !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. - * Champs obligatoires