La féminité : c’est quoi finalement ?

illustration concept de femme forte
La féminité ne peut se réduire à un vagin, une paire de seins, des escarpins à semelles rouges, du vernis à ongles, ni même une démarche chaloupée ou un clignement de cils sur un visage empreint de douceur et de malice. Non, non et non ! La féminité, c’est quoi finalement ?

La féminité ne va pas de soi

C’est un espace imaginaire et obscur. Elle est de l’ordre d’une présence à soi-même, d’une trace qui disparaît et s’efface pour mieux réapparaître là où on ne l’attendait pas.

La féminité, l’identité féminine, n’est pas donnée, c’est un choix dit Julia Kristeva. Pour Freud, on ne naît pas femme, on le devient, et pour Jacques Lacan « la femme n’existe pas ». La femme n’existe pas en tant que telle, c’est un état qui s’acquiert au-delà du Etre femme qui lui ne signifie pas plus qu’être un être humain du sexe féminin.

Cette scène entre Brigitte Bardot et Michel Piccoli, dont est extrait le dialogue cité en introduction, met bien en évidence que la féminité est surtout affaire de mise en scène. Mise en scène du corps féminin, une manière d’être, en vue d’exercer ici une attraction sur l’autre.

La féminité repose sur trois piliers majeurs

Avant d’aborder le « continent noir » avec mon frêle esquif, et pour éviter les confusions, il convient de démêler l’écheveau des termes, car la féminité repose sur trois piliers. Le biologique, la nature et la culture.

La biologie

Premièrement, le mot sexe désigne le sexe biologique. Celui-ci comprend le sexe génétique (XX et XY), le sexe hormonal (fruit des proportions d’hormones mâles et femelles responsable du développement du cerveau et de l’anatomie), et enfin le sexe anatomique, celui qui fait dire, « C’est un garçon » ou « C’est une fille ».

Deuxièmement, le mot genre correspond aux comportements de masculinité et de féminité attendus dans chaque culture. Le sexe social. Troisième pilier. L’acquisition du genre débouche sur l’identité de genre, quand la personne sent qu’elle appartient à un sexe, s’identifie comme homme ou femme, c’est-à-dire le sentiment subjectif d’être un homme ou une femme. Il s’agit là du sexe psychologique. Lors de ce processus de la construction de l’identité, la personne peut aussi s’identifier à une autre catégorie.

Afin de ne pas compliquer le propos initial, je me contenterai d’explorer ce qu’il en est de la féminité d’une femme de sexe féminin et hétérosexuelle. Je dis bien une femme, car il y a autant de femmes que de féminités. Chacune de nous se situe quelque part entre la neutralité frôlant la masculinisation, l’androgynie, et l’outrance touchant à la caricature. La féminité universelle étant surtout un fantasme masculin visant à en comprendre et à en contrôler la complexité et l’opacité qui peuvent constituer un danger, une menace pour l’homme. Ne parlent-ils pas de la féminité comme d’une « arme de séduction » ?

La nature

La revue Sciences Humaines explique :

Un certain nombre de travaux récents dans le champ de la neurobiologie, de la génétique et de la psychologie cognitive, insistent sur la présence de différences innées, comportementales et cognitives entre les hommes et les femmes, différences dues à l’action des gènes, des hormones, voire à une organisation neuronale sexuée. La psychologue canadienne Susan Pinker soutient l’existence d’une nature et de qualités spécifiquement féminines.

Quelque chose qui serait donc de l’ordre de l’inné, comme une prédisposition de notre anatomie et de nos hormones à nous conduire de certaines manières. Uriner assise, prendre ses jambes à son cou devant le danger, embarrassée par une poitrine « bringuebalante » et un bassin large enveloppé d’une masse graisseuse « spontanée », avoir le sexe « dedans », induisent sans nul doute des comportements et attitudes spécifiques aux femmes.

La culture

Outre ces considérations un peu opaques, il convient pour continuer sur le rivage de la féminité d’envisager le troisième pilier qui est celui de la culture. Sans pour autant suivre hardiment Françoise Héritier, anthropologue, qui soutient que la différence des sexes ne réside que dans la sexuation biologique et les hormones, et que le reste ne serait qu’affaire de dressage, on peut aujourd’hui sans craindre les foudres, affirmer que la féminité est aussi affaire de culture.

En 1930,  Margaret Mead, anthropologue, a tenu des propos qui firent l’effet d’une bombe, car elle ouvrait la boîte de Pandore et permettait de penser la féminité au-delà de la fécondité, de la cohésion familiale et du dévouement en affirmant que les caractères des hommes et des femmes sont conditionnés par le groupe au sein duquel ils évoluent.

Exprimer sa féminité

La femme pour exprimer sa féminité a le choix d’emprunter dans des catégories, dans un réservoir de critères, de comportements, de gestes, d’attitudes culturellement définis pour chacune des catégories (sans être réservé exclusivement aux femmes), auquel on peut adjoindre vêtements et accessoires. Ces réservoirs sont influencés par la culture, l’époque et le milieu. Les éléments de ces critères sont également propres au cercle restreint de la famille, lieu privilégié au sein duquel elle s’élabore.

Car c’est bien au sein de la cellule familiale que se fait le long cheminement psychique de la petite fille, qui débute avec une particularité propre aux filles, qui est qu’elles présentent une tendance primaire à la bisexualité, elle-même prononcée du fait de la présence de deux zones érogènes distinctes (clitoris et vagin), dont l’une cédera progressivement la place à l’autre au fur et à mesure que s’installe la féminité. Et ce, contrairement aux garçons dont le pénis incarne de façon définitive la seule zone érogène.

Le second élément important est la phase d’attachement à la mère comme premier objet de d’amour. La féminité sur un plan psychanalytique est donc tributaire d’un double processus, le renoncement à l’activité phallique et l’élection du père comme nouvel objet d’amour. Par la suite, le choix d’objet d’amour de la femme dépendra de sa construction narcissique et des possibilités qui lui sont offertes en termes de liberté par la mère puis par l’accueil du père. Ce début de construction psychique de la féminité s’appuie essentiellement sur le besoin d’être aimée plus que celui d’aimer.

Comment la féminité vient aux femmes ?

Pour Simone de Beauvoir, devenir femme est le résultat d’une série de conditionnements psychologiques et sociaux auxquels la femme doit se plier pour remplir son destin biologique.  Alors se pose cette question : comment la féminité vient aux femmes ? C’est une énigme, mais qui pourtant dans sa diversité universelle et intemporelle se transmet de mère en fille.

Ce sont les mères qui assurent cette transmission avec leur propre expérience de la féminité et leur propre mode d’expression, et qui offriront plus ou moins bien cette liberté dont a besoin la petite fille pour s’approprier sa propre féminité, accéder à son propre corps, celui qui éveille le désir.

Une des clés d’accès à la féminité pour la petite fille, puis pour l’adolescente, c’est la simple permission d’avoir d’autres modèles que soi. Cependant, il n’est pas rare d’observer que l’adolescente pourra entamer « un bras de fer » avec sa propre mère pour cet accès. Le développement du numérique offre d’ailleurs d’autres figures identificatoires en terme de visages de la féminité qui pourront apporter des nuances, mais aussi des contradictions.

Un sujet qui fait parler

La question de la féminité a toujours fasciné les artistes, poètes, philosophiques et scientifiques. Le féminisme a réanimé fortement le débat en parlant de féminité au pluriel et en associant la féminité au plaisir. Pourtant certains critiques du féminisme, dixit Camille Froidevaux qui affirme « Féminine si je veux, quand je veux », assimilent émancipation et déféminisation.

La féminité selon eux serait soit une attitude réactionnaire et un mode de soumission au désir de l’homme, soit que derrière les femmes libérées se cachent en fait de furieuses dévoreuses de mâles. « Si féminité il doit y avoir, c’est dans les termes de la pluralité et de la nuance qu’elle doit se comprendre ».

Reste tout de même pour chacune des femmes à se définir dans la différence des sexes. A ce titre les femmes ne peuvent donc se vivre et se penser indépendamment de leur présence charnelle et visible au monde.

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