Ils ont un père ou une mère en prison : comment faire face ?

Enfant Séparé Parent Prison
Chaque année, 140 000 enfants sont séparés de leur père ou de leur mère par la prison. La condamnation d’un parent ne doit pas les condamner aussi.

Le témoignage d’une mère en prison

Mercredi, 14 heures. Nicolas, Cindy, ainsi que d'autres enfants de détenus, accompagnés par un adulte, attendent devant la prison l'heure du parloir. Certains pénètrent dans l'Accueil Famille, une guérite située devant la lourde porte de la prison, d'autres préfèrent l'éviter. Dans ce lieu, les langues se délient doucement. Une maman de trois enfants explique qu'elle préfère venir seule : « Le parloir, c'est trop pénible pour mes enfants : trop d'attente, la fouille, les portes qui se ferment sur ces box minuscules... ». Une autre mère tente de faire rire ses enfants pour masquer l'angoisse. Un adolescent, seul dans son coin, feint l'indifférence. Puis arrive l'heure d'entrer dans la prison et d'aller au parloir.

Les enfants sont les premières victimes de l'emprisonnement de leur parent. Longtemps sous-estimés, on commence seulement à prendre la mesure des effets de cette séparation liée à l'incarcération d'un parent, parfois même des deux, sur leur développement affectif, intellectuel et social.

Du côté des familles, la question reste toujours : est-ce bon pour un enfant de l'amener au parloir, et que faut-il lui expliquer ?

Maintenir les liens malgré les difficultés

Les chiffres sur le rythme des visites au parent incarcéré sont révélateurs : un tiers des enfants de détenus ne voient jamais leur père, et un tiers très rarement. En effet, les familles préfèrent souvent, pour le bien de l'enfant, éviter toute relation entre celui-ci et son parent incarcéré. « La prison, ce n'est pas un endroit pour les enfants », expliquent-elles. Parfois, certains détenus eux-mêmes, rongés par la culpabilité, ne souhaitent pas voir leur enfant dans le cadre de la prison. « Ce n'est pas simple d'être un bon père ou une bonne mère en prison, surtout que beaucoup d'entre nous ont eu une enfance difficile. Comment s'imposer en tant que parent quand on a juste une demi-heure par semaine... »

L'éloignement avec le lieu d'incarcération est souvent un obstacle supplémentaire à la régularité des visites. En effet, il n'y a pas de droit au rapprochement familial, et les situations financières sont souvent précaires. Enfin, il arrive encore que des juges d'instruction refusent de délivrer des permis de visite aux enfants.

Mais les spécialistes, les associations comme Relais Enfants-Parents (REP) et les Accueils Famille luttent tous les jours pour faire comprendre aux proches et aux détenus que le maintien de ce lien familial est indispensable, et ce, malgré les difficultés et les souffrances. Un enfant n'est pas en mesure d'intégrer l'absence du parent, il a besoin de rencontres, de contacts pour se construire. Ce maintien du lien durant la détention est aussi l'un des meilleurs garants pour une future réinsertion du parent incarcéré.

Mais que dire à l'enfant au sujet de cette incarcération ?

Beaucoup de familles, par souci de protection, préfèrent garder le silence ou mentir en inventant des histoires de maladie ou de voyage imaginaires. Les explications données à l'enfant restent souvent confuses. Or ces non-dits sont source d'un traumatisme. « Ta mère (ton père) est à l'hôpital » : ce type de mensonge représente, une redoutable agression dès lors que, pour l'enfant, savoir sa mère à l'hôpital pour longtemps, sans que l'on puisse lui préciser quand elle en sortira, revient à lui suggérer qu'elle pourrait y mourir. Son imagination risque alors de travailler.

Il s'agira de faire comprendre à l'enfant la différence entre une séparation liée à la prison et un abandon, parfois même une idée de deuil. Car, se sentant abandonné, il risquerait à plus long terme de prendre le chemin de la délinquance.

Le maintien du lien familial est une des réponses pour rompre la spirale de l'échec amenant un enfant à reproduire le schéma parental. Il ne faut pas mentir à l'enfant, mais dire la vérité sur les raisons de l'éloignement. Parler vrai ne signifie pas qu'il faut revenir sans cesse sur les péripéties du délit. Un travail de vérité doit s'engager, et ce malgré les réactions parfois difficiles des enfants chez lesquels on observe des signes de leur tiraillement intérieur comme des comportements régressifs, des troubles du sommeil, des bouffées de colère, des mauvais résultats à l'école...

Des parloirs inadaptés

Ces rencontres au parloir restent de toute façon un moment douloureux. D'autant que les conditions d'accueil des enfants dans de nombreuses prisons sont désastreuses : parloirs inadaptés et temps de visite (une demi-heure à une heure) trop court.

Les enfants n'ont pas de traitement de faveur : un box minuscule de 2 m2, surchauffé ou glacial, beaucoup de bruit. Pas le droit d'amener des jouets, pour une question de sécurité. Cela n'aide pas à créer un moment d'intimité. C'est pourquoi des associations se battent pour améliorer les conditions de visite. Elles militent aussi pour faire prendre conscience de l'importance du maintien de ce lien familial. Bien que certains établissements aient apporté quelques améliorations et que trois unités de vie familiale aient été créées, beaucoup de choses restent à faire dans ce domaine.

À lire aussi : Devenir visiteur de prison bénévole : comment ça marche ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. - * Champs obligatoires